Hunger Games: les jeux de la faim [Projet d'écriture commun]

Aujourd'hui, mes petits oiseaux du district 7, aujourd'hui est un jour spécial.

Vous vous souvenez, peut-être, de la révolte des Districts. Des Jours Sombres. Non, c'est vrai, pas vous, enfants de la réconciliation. Mais vos parents, oui. Ils se souviennent. C'était il n'y a que dix-ans, après tout. Et peut-être est-ce les cris des mauvais rêves de vos parents qui vous réveillent, le soir. Oui, vous ne vous souvenez sûrement pas de la révolte : alors, pour forcer vos mémoires trop courtes, aujourd'hui est un jour de Moisson. Vous ne vous souvenez pas, mais vous mourrez dans l'arène, mes chers oisillons du 7.


Et dans vos rues bordées d'arbres et de scieries, fils du districts du bois, certains ont de la chance. Je vois Machial Somor. Sa maison sent bon le vernis, et c'est l'odeur d'un pain chaud qui réveille le jeune homme ce matin. La main tendre de sa mère passe dans ses cheveux, et encore endormi, il oubli de se dégager en grognant. Elle lui rappelle avec son angoisse de mère, cette même angoisse qui revient chaque année depuis les douze ans de son petit, elle lui rappelle qu'aujourd'hui est un jour de Moisson.

Machial avait presque oublié. Il enfile son costume aux tissus fins, et il se trouve si beau avec, qu'il en manque d'oublier de partir. Il a de la chance, oui. Il n'a jamais pris de tesserae ; il mange à sa faim. Seuls sept petits bouts de papier porteront son nom, et c'est déjà beaucoup moins que certains enfants de douze ans. Il est confiant Machial, ou du moins, en rejoignant sa large bande d'amis, fait-il semblant de l'être. Il sourit : il est leur soleil, leur chef, celui qui sait parler et qu'on admire. Il coupe les arbres avec la même facilité qu'il fait tomber les cœurs. Alors, quand il rit et propose de parier sur celui et celle qui sera tirer au sort, ses amis, charmés, acceptent.

Et lorsqu'il appose son doigt ensanglanté sur le registre, il pense déjà à son après midi, aux couverts de bois sculptés qu'il est en train de polir, pour une commande spéciale qu'il sait mériter. Et il a hâte que les Jeux commence ; il aime les regarder à la télé.


D'autres ont moins de chance, au district 7. D'autres ont plus de mal à marcher dans les traces déjà établies pour eux. Je vois Hortensia Dovelle. Elle n'a pas dormi chez elle, hier soir. Son père hurlait contre une de ses soeurs, alors elle est resté sur le pas de la porte longtemps, longtemps, les poings serrés de haine. Puis elle a couru retrouver sa cachette, dans les bois, au sommet d'un arbre, où elle s'est blotti. Elle a lu un livre volé tant que la lumière le lui a permis. À l'aube, de grands cernes mangeaient son visage.

Elle se lève, et va retrouver quelques unes de ses jeunes amies. Que des filles. Elle leur fait la lecture, un peu, puis elles vont ensemble sur la grande place. Elle y croise ses grands parents, qui lui sourient. Puis ses sœurs, à qui elle fait un petit signe. Hortensia a déjà dû prendre quelques tesserae, parfois, car un seul faible et chétif petit garçon n'aide pas à nourrir leur famille. Elle l'a fait, par défi, le regard plongé droit dans les yeux des hommes, pour leur montrer que c'était elle, une femme aux longs cheveux coulant dans le dos, que c'était elle qui nourrissait la famille. Que c'était à elle seule qu'ils devaient leur survie.

Alors seize papiers portent son nom. Il y a pire, elle le sait. Étrangement, alors qu'elle rejoint les filles de son âge, elle n'a pas peur d'être choisie. Cela arrive toujours aux autres, tout le monde sait ça. Tous ceux qui ne sont jamais partis, elle ne les connaissait pas, ou si peu que peu lui importait.


Ils sont tous réunis, mes oiseaux du 7. Certains petits de douze ans pleurent. D'autres plus vieux, tellement maigres qu'on peut deviner un grand nombre de papier portant leurs noms, se tordent les mains ou serrent les dents. Ils sont nombreux. Les longs cheveux d'Hortense détonnent dans le carré des filles aux cheveux coupés courts, tout comme le sourire assuré de Machial. Puis dans le silence, on entend le vent dans les arbres, et on s'étonne de l'absence du ronronnement si familier de la scierie.


Aujourd'hui est un jour spécial. La lumière dore la place et les enfants.


Une Dame arrive, et on entend dans son accent comme on voit dans les couleurs de ses vêtements qu'elle vient tout droit du Capitole. Avec elle, une femme au regard hanté, maigre, tient à peine debout. C'est la seule représentante du district 7 a avoir déjà gagné les Jeux. Leur seule mentor. Personne ne l'aime.

Les films de propagande et les discours ridicules passent vite ; tout le monde les connait, et les petits de douze ans ont trop d'angoisse en eux pour vraiment écouter.

Arrive le tirage au sort.

Et là, mes petits oiseaux font moins les malins. Leur ventre se serrent, pour la plupart. L'angoisse monte, et même le sourire de Machial Somor est faux, même l'assurance orgueilleuse d'Hortensia Dovelle n'est que façade. On fait semblant d'en rire, mais finalement, tout le monde crève de trouille.

« Commençons par le moindre : les dames d'abord. »

La main tombe dans le bocal, fouille, et sort un papier qu'elle déplie lentement. Pendant la pause théâtrale qu'elle prend, toutes les respirations s'arrêtent de concert.

« Hortensia Dovelle. »

Elle cligne des yeux, la Hortensia. Elle tombe de haut, un peu surprise. Mais elle se relève avec cran, la petite, parce qu'il faut montrer qu'elle peut relever la tête malgré ses longs cheveux. Elle avance, en priant pour ne pas trébucher, le regard fixé sur l'estrade, le cœur battant, mais le visage impassible. Elle croit entendre une de ses sœurs pleurer, mais peut-être a-t-elle tout imaginé.

Et quand elle fixe la foule, elle se rend compte brusquement que, peut-être, tient-elle là une occasion de détruire — par sa flamme dans les Jeux — les préjugés misogynes de tous ces abrutis d'hommes du district 7. Peut-être.

Elle pense ainsi, car pour elle, les Jeux sont encore quelque chose de trop lointain. De trop abstrait.

« Puis, le meilleur pour la fin, voici le tirage des hommes... Machial Somor. »

Sa bande d'amis se tait. Tout le monde se tait. Le monde de Machial vacille au bord d'un gouffre noir d'incompréhension. Sa mère hurle son nom, elle hurle dans le silence crispé de la foule. Quelqu'un la gifle. Elle pleure désormais tout bas.

Le sourire du jeune homme est crispé, mais il sourit. Il se lève, prie pour que personne n'entende les battements désordonnés de son cœur, fait un signe bravache à ses camarades, et lance un baiser aux rangs des filles en passant. Machial aime être au centre de tous les regards, son naturel reprend le pas et éloigne, refoule le choc qu'il lui faudra gérer plus tard. Devant la foule, arrivé sur l'estrade, il salut de nouveau tout le monde, d'un geste ample.

Il espère juste que personne n'a vu sa main trembler.

Hortensia regarde droit devant elle, ignorant parfaitement Machial. Et ce dernier lui lance alors des coups d'oeil appréciateur, car il sait qu'elle déteste cela. Ils se connaissent un peu, de vue, juste assez pour mieux s'éviter ; ils sont tout deux l'incarnation de ce que l'autre méprise.

La Moisson du district 7 n'est pas si mal, cette année. La lumière mordorée rendait bien, sur l'écran. Puis aucun des tributs n'a pleuré, et pour une fois la fille n'est pas une créature craintive aux cheveux coupés à ras. Oui, certains, dans la foule, osent espérer qu'ils auront un nouveau gagnant, une nouvelle année de nourriture. Alors, quelques uns se lèvent, et frappent dans leurs mains, fiers de leurs moissonnés. C'est après des applaudissements, forcés pour Hortensia, plus enthousiastes pour Machial, que les Pacificateurs les escortèrent dans l'obscurité de l'hôtel de ville. Et lorsque les portes se refermèrent, le soleil du district 7 cessa de caresser ses tributs de ses rayons.

Je ne sais pas vous, mais moi, j'aimerai bien savoir si c'était une caresse d'au revoir, ou une caresse d'adieu.