-Shell- Chante pour Rue
Messages : 536 Date d'inscription : 19/06/2013 Age : 28 Localisation : Dans une Arène, en train de galérer pour survivre
| Sujet: Re: Et si un garçon du Capitole s'infiltrait dans les HUNGER GAMES ? Jeu 11 Juil - 19:34 | |
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LA SUITE ICI ! - Chapitre 8:
Chapitre 8 : Je prend une dernière fois ma sœur dans mes bras. Elle ne pleure pas, et tant mieux, sinon j'aurai été de suite découragé. Puis elle m'attrape le visage entre ses deux mains et me plaque un baiser sur le front.
- Je sais que tu peux le faire, me dit-elle.
Mags me serre à son tour contre elle, et je hume un grand coup son parfum de lavande. Elle me répète une dernière fois ces conseils : ne jamais rester seul mais ne compter que sur moi-même, me montrer discret et surtout, me tenir loin de la Corne d'Abondance.
- Si tu y meurs dès le début, on t'oubliera de suite. Il faut que tu avance loin dans le jeu pour qu'on s'attache à toi. La réaction à ton décès ne sera que plus efficace.
Et après m'avoir souhaiter bonne chance et m'avoir dit qu'elle croyait en moi, elle me pousse dans la salle de lancement, où Molin m'attend pour m'aider à enfiler ma tenue. À la seconde où la porte se ferme, j'entends Gélika éclater en sanglot. Bon, l'essentiel est qu'elle se soit retenue en ma présence.
Je fais quelques mouvements dans ma combinaison épaisse grise et acquiesce quand il me demande si la taille convient. Puis, il me tend un pantalon en toile noir, très confortable et un blouson étanche gris taupe. Je n'ai aucune idée sur quelle arène je vais tomber, mais Molin m'explique que la matière de la combi empêche bactéries et produits chimiques de s'infiltrer. Je crains le pire. Il m'enlève la trace de rouge à lèvres qui trône sur mon front et me sourit. Une voix s'élève alors dans la salle pour m'ordonner de rentrer dans le tube de verre. Je touche mon bras gauche, là où on m'a inséré le mouchard et tripote nerveusement le bracelet de corde de Spike. Enfermé dans l'ascenseur, je m'accroche visuellement à la dernière source de beauté que je verrai du reste de ma vie : la tenue de Molin, ses longues tresses bleus électriques et son costume rouge pétant. Finalement, j'aime bien cette mode étrange qui apporte un peu de gaieté. Dommage que se soit la dernière fois que je contemple ces tenues.
Mes yeux mettent quelques secondes à s'adapter à la lumière, et le première chose que je vois est la Corne d'Abondance, qui m'étonne de suite. C'est un grande caravane rouillée, où s'échappent des armes, des sacs qui traînent un peu partout autour et à l'intérieur. Le décompte se met en marche, long et stressant au plus haut point. Mes yeux tourne autour, découvrant un paysage désolant de décharge abandonnée. Une décharge puante, grisâtre, où un nuage de pollution est constamment accroché au dessus de nos têtes. Certains tributs échangent des regards interrogateurs, je croise moi-même celui de Shell, bien en face de moi. Elle fixe ensuite un sac, à l'extrémité et je sais qu'elle va aller le chercher. J'essaie d'attirer son attention pour l'en dissuader mais elle ne réagit pas. Speck me fait un signe de la main, me prouvant alors que je fais partie de ses alliés. Mais pourquoi moi ? Sait-il que je suis du Capitole, afin de se servir de moi ? En temps normal, les Carrières vus avec d'autres tributs sont mal vue. Je ne sais pas si je peux me permettre de leurs faire confiance, mais je pense qu'il est moins dangereux pour moi de rester avec eux plutôt que de fuir sa proposition. Alors, quand le gong retentit, pendant que tous le monde se précipite soit à la Corne, soit dans les profondeurs de la décharge, je ne bouge pas. Peut-être par peur, par stratégie, mais à cet instant, je n'ai aucune idée du pourquoi de ma réaction. Je descend seulement de mon estrade afin d'être plus discret, en observant les tributs ayant commencé à se battre. Des corps tombent déjà, certains cris, d'autres n'ont même pas le temps de réaliser ce qui leur arrive. Mais je ne les regarde pas. Mes yeux sont posés sur Shell, que je vois attraper adroitement le sac, sauter par dessus un tribut étendu, esquiver une attaque et repartir dans le sens opposée comme si elle avait le diable à ses trousses. Impressionnante. Je fais mine de reporter mon attention sur le bain de sang, mais je réalise trop tard qu'un garçon m'a repéré, juste à côté. Il se jette aussitôt sur moi, et ma tête heurte l'estrade. Je lâche un grognement en repoussant en vain mon adversaire qui referme ses mains autour de ma gorge. Son visage exprime la rage, et rien d'autre. Le souffle me manque et je suffoque. Il ressert son étreinte et je me sens déjà partir. Il devient soudainement tout flou, mais enfin, son poids s'enlève de dessus moi et je prend aussitôt une grande inspiration qui ressemble à un couinement ridicule. Ned m'attrape par les épaules et je le repousse, effrayé. Sans me lâcher, il me remet sur pied et me jette un regard moqueur en essuyant du sang de son visage. Il me tend un poignard.
- Puisque tu n'attaques pas, prends au moins ça pour te défendre.
C'est bien la première fois que je l'entend parler. Il a une voix claire et peu hésitante, avec un accent légèrement chantant qui tranche énormément avec son visage fermé. Il m'ordonne de rester là et court au bain de sang en poussant un cri de guerre.
Combien de temps le carnage a duré ? Au moins trente minutes. Ce que je sais, c'est que j'ai assisté, impuissant, à chaque mise à mort, parfois d'enfant de douze ans. Victimes d'attaques en traître ou trop faible au combat, le résultat est le même : une marre ensanglantée où les Carrières récupèrent les dernières provisions. Je n'ai pas bougé après l'intervention de Ned. Bouche-bée, les bras ballants, j'ai vu tous ces pauvres jeunes passer du statut de vivant à mort. J'aurai pu fermer les yeux, me boucher les oreilles, crier ou même pleurer, mais je ne ressens qu'un vide immense qui me cloue sur place. Enfin, les Carrières se tournent vers moi, satisfaits. Je remarque l'absence de Leven. Shine me prend la main.
- Allez, partons le temps que les hovercraft ramassent ce qu'il reste d'eux.
Je me laisse entraîner, sans parler.
Nous avons fait un camp, pas loin de la Corne. Avec des objets dénichés un peu partout, nous avons réussi à créer une sorte de tente de fortune, maintenu par des morceaux de tuyaux rigides ou de bois. Elle est ouverte d'un côté, nous permettant de voir tout ce qu'il se passe. Chacun me tend un peu de leur nourriture, et les trois Carrières nettoient le sang de leur visage avec l'eau qu'on a pu dénicher dans la Corne. Speck soigne avec concentration la blessure au bras de Shine, qui grimace. Quand à Ned, il tripote silencieusement ses couteaux, les sourcils froncés. J'ignore toujours pourquoi ils ont décidé d'être mes alliés. Peut-être est-ce pour mieux me trahir par la suite, pendant mon sommeil. C'est toujours un tribut facilement éliminé. Ce serait limite mieux que je meurt de cette manière, sans souffrir. Comme ça, au Capitole, on se rendra compte que les Carrières ne sont pas si extraordinaires que cela. L'hymne de Panem me fait sursauter. Comme une seule personne, nous nous penchons pour apercevoir les portraits des tombés : les deux tributs du District Sept, du Neuf, les jeunes filles du Dix et Onze, le garçon du Douze (celui qui m'a agressé), Mona, du District Six et Leven. Finalement, elle n'ira jamais vivre au Capitole comme elle le souhaitait tellement. Dix morts, en une journée. Je suis soulagé que Shell soit encore en vie. Un petit blanc s'ensuit alors, que Speck s’empresse de combler en déclarant :
- Pas mal du tout ! Plus que dix autres pour nous !
Je le regarde. Ses yeux bleus brillent d'une lueur étrange et un sourire en coin éclaire son visage. Tout cela semble n'être vraiment qu'un jeu pour lui.
- En tout cas, continue Shine, j'ai hâte de trouver Shell. J'ai bien envie de la tuer moi-même ! Vous me la laisserez ?
Mes poings se serrent. Je sais que je devrais me taire, mais je ne peux pas me permettre de la laisser parler de mon amie comme ça.
- Tu ne la toucheras pas, grinçais-je. - Pardon ? - Si tu lui fais du mal, c'est moi qui vais te régler ton compte.
Elle reste bouche-bée un instant, puis se ressaisis rapidement :
- Je serai toi je ne me ferai pas remarquer. Si tu es vivant, c'est bien grâce à nous. - Grâce à Ned surtout, toi, tu ne m'as servis à rien. Tu ne sers à rien, à par critiquer et faire la belle. Et je déteste les filles comme toi. Puis, comme je suis pas un hypocrite, je préfère te le dire en face.
Shine pousse un cri de colère et se jette sur moi. Je n'ai aucun mal à la maîtriser, mais elle sort de son blouson son poignard, le même que le miens, et j'ai juste le temps de l'éviter. Il se plante dans le sol.
- On se calme ! Vous aurez le temps de vous entre-tuer un autre jour !
Speck attrape sa coéquipière par la taille et la tire en arrière. Elle s'arrête alors de gesticuler mais m'insulte vulgairement. Je lui répond avec autant d'entrain et de joie, mais Ned prend alors la parole, agacé :
- Vous croyez vraiment que c'est le moment, là ? C'est déjà assez pénible comme ça d'être ici, j'ai pas besoin que vous en rajoutiez une couche, alors maintenant vous vous couchez, comme de bons petits pantins du Capitole, et vous vous taisez, compris ?
J'en reste sonné. Mais je me calme aussitôt, légèrement impressionné par la puissance autoritaire de sa voix. Il a quand même dit que ça ne lui plaisait pas d'être ici, et ça, je trouve que c'est étrange, surtout pour un Carrière.
- Chapitre 9:
- Où on va ? Je demande en me forçant de ne pas trop m'éloigner.
Depuis que nous nous sommes réveillé, nous nous baladons dans la décharge d'une marche rapide. Je n'arrive déjà plus à les suivre. Shine prend un malin plaisir à accélérer la cadence et je prend sur moi pour ne pas me jeter sur elle et l'étriper. Ils disent qu'ils recherchent les tributs, qu'ils veulent s'amuser un peu. Qu'est-ce que c'est drôle, en effet ! J'ai des ampoules grosses comme des pastèques et les jambes comme du coton, mais c'est vrai que je suis mort de rire, là, y'a même pas idée. C'est clair que regarder les Hunger Games est beaucoup moins fatiguant qu'y être. Symon rigolerait bien, si il était là.
Mes yeux me piquent légèrement. J'entends de nouveau la détresse qui se lisait dans sa voix quand il me sermonnait pour mon acte. Je commence maintenant à comprendre ses avertissements : « - Si tu arrives à faire ce que tu veux faire, tu mourras. Si finalement, tu renonce, tu mourras quand même, tu t'en rends compte ? ». Non, je ne m'en rendais pas compte. Mais maintenant que je suis dans le feu de l'action, que je me rends compte que je ne suis pas fait pour survivre, que je n'ai jamais été exercé pour faire ça, j'ai peur. Un pauvre type du Capitole, dans une arène pourrie aux conditions invivables, pff ! Ce n'est pas en sachant parler quatre langues, étant bon en maths et autres trucs que je survivrai ici.
Je secoue la tête : de toute manière, je ne dois pas survivre. Mon ventre se serre. Ai-je vraiment envie de mourir, finalement ? Est-ce vraiment intelligent, ce que j'ai décidé de faire sur un coup de tête ? J'espère que ma mort ne sera pas inutile. Je regarde les Carrières : et eux, se rendent-ils compte qu'ils vont mourir ? Au pire, un d'eux survivra, mais sinon … Chacun pense réellement en sa propre victoire ?
Du mouvement me tire de mes pensées. Je vois Shine s'élancer par dessus une carcasse de quelque chose non identifié et attraper à elle seule les deux tributs du District Huit, Emma, la petite de quatorze ans qui était en ballerine et Josh, son partenaire de douze ans. La Carrière les jette violemment par terre, entre nous tous qui formons un cercle autour d'eux.
- On fait quoi ? Demande-t-elle.
Emma attrape son ami dans ses bras, protectrice. Du sang dégouline de l'épaule du jeune garçon. Il est dans un piteux état.
- Et bien ! Tues-les ! Répond Speck en croisant les bras, les regardant comme de vulgaires proies.
La petite fille se redresse, apeurée :
- Nous ne sommes pas une menace pour vous, se défend-elle, la voix alarmée. Que vous nous relâchiez ou pas, nous ne sommes pas des ennemis. Regardez Josh, il ne peut rien faire, et je suis bien incapable de me battre aussi... - Et toi tu compte le laisser agoniser ?
Elle secoue la tête et ravale un sanglot.
- Non, je … je … - Et après ce sont nous les méchants ! S'exclame Speck.
Il dégaine son épée et la plante directement dans le cœur de Josh. Un instant, il reste les yeux grands ouverts à chercher son souffle, puis ses muscles se relâche et il s'écroule sous le cri d'Emma, qui fond en larmes. Un coup de canon retentit.
- Et elle ? Continue Shine.
Elle me regarde :
- A toi l'honneur, Dayd.
Je manque de m'étouffer :
- Pardon ? - Ne nous fais pas regretter de t'avoir accepté parmi nous.
Mon regard se porte sur les Carrières, puis sur Emma qui n'as pu l'air de se soucier de sa mort, le visage entre les mains. Je ne peux pas la tuer !
- Elle est inoffensive ! - Et alors ? Elle ne reste pas moins un tribut à éliminer ! - C'est lâche ! - La lâcheté se serait que tu refuse.
Je sens le regard de Ned sur moi. J'essaie d'y déceler une émotion, un avis sur lequel je pourrai m'appuyer, en vain.
- Fais-le comme ça on en parle plus, dit-il d'une voix las.
Je secoue la tête :
- Ce n'est qu'une gamine ! - Allez Dayd, reprend Speck. Ça ne prend que deux secondes. - Je ne tuerai pas cette gosse ! Criai-je. - Bordel, mais t'es vraiment un incapable, renifle Shine. J'aurai dû te tuer dès le début, nous aurons été beaucoup plus efficace. - Et bien vas-y, fais toi plaisir.
Emma se relève du corps de son ami, étonnée de ce changement. Mais Speck intervient de nouveau, déclare qu'avant cela nous devons faire quelque chose en montrant la petite du doigt. Je pousse un soupire d'agacement en répétant qu'elle est innocente et nous recommençons à nous disputer en ponctuant nos phrases d'insultes. Speck se joint à l'engueulade avec beaucoup d'entrain afin de nous faire taire.
Ned a un mouvement d'ennui, fais quelques pas en arrière pour prendre son élan et envoie son javelot. Il transperce Emma de part en part et l'a propulse en arrière. Sa chute est ponctuée d'un coup de canon.
- Voilà, problème réglé, annonce-t-il froidement.
Il appuie son regard sur moi et je rentre la tête dans les épaules. Il m'impressionne vraiment, et maintenant, il m'effraie.
Il y a eu trois morts aujourd'hui, Josh, Emma et le garçon du Onze, qu'on a entendu hurler de loin. Je retire mes chaussures et me fait une petite toilette dans l'eau d'une flaque. Elle ruisselle, fraîche sur ma peau et je ressens de suite un profond bien-être. La potabilité de l'eau tranche avec la pollution du lieu, ce qui est plutôt étonnant.
Un parachute atterrit directement sur mes genoux et j'y découvre une crème, des pansements et deux cookies. Je fais un mouvement de tête pour remercier afin que l'on ne remarque pas le malaise qui me prend aux tripes. Ce sont les cookies que ma mère fait si bien.
Alors, elle me regarde, tout le monde me regarde. Je ne suis pas seul et ils doivent être bouleversés. J'aimerai bien savoir ce qu'il se passe, au Capitole, si mes parents s'installent comme d'habitude confortablement devant l'écran géant pour regarder le déroulement des jeux. J'aurai aimé savoir leur réaction quand ils ont appris ma participation. Encore une chose que je ne saurai jamais.
- À quoi tu pense ?
Ned s'assoit à côté de moi et entreprend de se laver le visage. C'est étonnant qu'il vienne me parler. Pris au dépourvu, je bafouille :
- Peut-être à ma famille. - Elle te manque ?
Je réfléchis un instant.
- Pas tellement. J'aimerai juste savoir si ils vont bien et ce qu'ils pensent en me voyant. Pas toi ?
Il hausse les épaules :
- Non.
Sa réponse est froide et tranchante. Il prend une respiration pour me dire quelque chose mais est coupé dans son élan par l'arrivée de Speck et Shine. Ils sont souriants :
- On vient de choper la fille du Neuf. Elle n'a même pas eu le temps d'appeler sa mère. - Mais elle n'est pas morte ? - Pas encore.
Un coup de canon retentit. Speck sourit de plus belle :
- Maintenant, oui.
Dans notre tente, nous -enfin surtout eux- élaborons le programme de demain, qui est, en théorie, assez simple. Maintenant que nous connaissons à peu près le parcours de la décharge, nous nous mettrons par groupe de deux et fouillerons minutieusement chaque recoin pour nous débarrasser du plus de tributs possible. Je pense qu'ils ne se rendent pas bien compte que je suis incapable de tuer. Ils forment alors les groupes, et commence à supposer de me mettre avec Shine. J'interviens aussitôt :
- Jamais de la vie ! - Tu as peur que je te tue ? - Tu crois qu'une fille comme toi m'effraie ? En plus d'être stupide et insupportable, tu es vantarde ?
Elle serre les poings. Je n'attend que ça, qu'elle m'attaque !
- En effet, reprend Speck, mauvaise idée. Je me mettrai avec Dayd alors. Du coup, Shine et Ned seront ensemble.
J’acquiesce. Au moins, avec Speck je ne serai pas obligé de tuer.
Deux coups de canon ont retentit depuis ce matin. À chacun, Speck sourit et lance :
- C'est sûrement un coup de Ned et Shine !
Ça l'amuse beaucoup. Je ne suis pas très à l'aise avec lui, je sais qu'il peut me tuer comme on tue un insecte. Surtout qu'avec la barre de métal qu'il a trouvé, aiguisé au bout, il ne ferait qu'une bouchée de moi. En fait, dès le début du jeu, avec les Carrières, je ne suis pas rassuré. Et je ne sais toujours pas pourquoi ils m'ont accepté parmi eux, même si c'est temporaire. Et ce n'est pas avec mon petit poignard que je vais pouvoir me défendre. En clair, je suis à leur merci.
La décharge semble encore plus terne et triste qu'avant. L'odeur est immonde, mélange suffocant de sang et de chaire en putréfaction. Pour mes narines délicates d'habitant de Capitole, j'avoue que je ne serai pas étonné de m'évanouir tant c'est horrible. Je feinte l'indifférence, mais suis obligé de plaquer ma main sur mon nez.
Le canon me fait sursauter.
- Il faut croire qu'ils ont plus de chance que nous, remarque-t-il en me souriant.
À la fin de sa phrase, juste devant nous, Vigor sort des décombres et se place à une dizaine de mètre de nous. Il tient dans sa main un objet rond, sûrement fait de bidules récupérés dans les déchets, qu'il tient de ses deux mains. Il l'a brandit derrière lui et s'apprête à la jeter sur nous, puis il semble me reconnaître. Il arrête son geste et nous nous fixons du regard. Une voix s'élève derrière lui, lui ordonnant de la lancer. Vigor refuse, ajoutant qu'il ne veut pas me tuer, alors Clari déboule et lui arrache l'objet des mains. J'échange un regard paniqué à Speck : une bombe ! Alors que la fille s'apprête à le lancer, le Carrière réagit aussitôt en envoyant avec puissance sa barre de fer, qui frappe violemment le crâne de Clari, qui ne crie même pas. Elle jette la bombe, puis s'écroule sous le coup de canon.
Le temps semble alors ralentir. Je vois la bombe siffler dans les airs et s'approcher dangereusement de nous. Je me sens propulser sur le côté avant qu'elle n'explose, je l'évite de peu. L'explosion m'envoie encore plus loin, et j'ai l'impression que mes oreilles explosent. Un instant, la douleur me tétanise le corps, tant que je n'arrive même pas à crier. Puis, plus rien.
- Chapitre 10:
Tous mes muscles sont tétanisés. Mon corps entier me fait souffrir. J'entrouvre mes yeux, et les referment aussitôt à la vue de la lumière aveuglante. Rien que le fait de bouger mes doigts me fait grimacer. Je tourne la tête à gauche, à droite et tente d'ouvrir de nouveau les yeux. Étonné je fronce les sourcils : la décharge a laissé place à une clairière verdoyante et fleuris. Ça se trouve, je suis mort, et je me trouve au Paradis. Je me redresse péniblement sur un coude. Normalement la douleur est censée disparaître au moment de la mort.
- Tu es réveillé !
Un visage se penche sur moi et de longs cheveux blonds me chatouille le visage.
- Shell !
Je fais mine de me relever, mais elle me retient :
- Reste couché. Tu t'es pris un sacré choc.
Je me revois voler et atterrir lourdement, avant l'explosion. Sauf que j'ai été propulsé avant que la bombe n'atteigne le sol, comme si on m'avait poussé.
- Qu'est-ce qu'on fait ici ? - L'Arène a brutalement changé hier. Il y a eut des tremblements terribles et des éboulements de détritus. Plusieurs tributs sont morts écrasés. Nous ne sommes plus que huit.
J'écarquille les yeux. Déjà !
- Je suis resté comme ça combien de temps ? - Je ne sais pas trop … trois ou quatre jours.
J'hésite un instant à poser la question qui me brûle les lèvre, puis je demande finalement d'une petite voix :
- Et Speck ?
Elle garde le silence, gênée. Une voix masculine me surprend. Vigor prend la parole :
- Il est mort. En te sauvant.
Je retombe sur le dos en grimaçant. Pas possible. C'est tellement étrange de se dire qu'un Carrière est capable de se sacrifier pour sauver quelqu'un qu'il ne connaît même pas. J'avoue avoir beaucoup de mal à le croire et je suis même sûr qu'il se fout de moi. Sauf que Shell acquiesce, le visage grave. Alors j'encaisse le coup, silencieusement, une grosse boule dans la gorge. Je n'aurai pas dû survivre. Cette explosion aurait dû me tuer sur le coup, violemment, histoire de choquer le plus de monde possible. Mais c'est Speck qui est mort, et sa disparition ne causera aucun chamboulement au Capitole. Je sens Shell qui me caresse le cheveux pour me réconforter. Mon malaise se voit tant que ça ? Je plaque mes deux mains sur mon visage pour dissimuler mes émotions.
- C'est moi qui aurait dû mourir. - Ne dis pas ça, Dayd, tu sais très bien qu'il faut que des gens meurent dans le jeu …
Je secoue la tête. Elle ne peut pas comprendre, et je ne peux pas lui expliquer cela ici où mon plan tomberait à l'eau. Alors je me reprend, j'essuie d'un geste discret les quelques larmes qui m'ont échappés et je m’assois en assurant à Shell que je vais bien. Un bourdonnement résonne en continue dans ma tête et j'ai tout de même dû me briser une ou deux côtes. À hauteur de mon amie, je peux enfin mieux l'observer, et la fatigue se lit très facilement sur son visage, faisant ressortir la pâleur de sa peau et les cernes sous yeux. Vigor reste assit en tailleur, calme comme à son habitude, occupé à nettoyer et renettoyer tous les bidules qu'il a pu récupérer de la décharge. Venir du District des énergies doit être tout de même valorisant dans la création d'armes en tout genre, et la bombe est sûrement de son invention. Avec sa peau mâte et ses yeux clairs, il me fait penser à Symon. Sauf que Vigor est beaucoup plus grand, moins musclé et que ses cheveux sont plus longs et tout bouclés. Comme Spike. Je baisse les yeux vers mon poignet. Le bracelet n'est plus là ! Je lâche un cri de surprise et regarde instinctivement autour de moi, palpant le sol. J'explique en deux mots le problème aux deux autres et Vigor me prévient que la corde ne doit sûrement pas être ici.
- Pourquoi ? - On t'as transporté après l'explosion. Tu étais réveillé à ce moment-là, et il fallait à tout prix qu'on t'emmène loin du feu qu'à causé la bombe. - Il faut que je retourne là-bas ! - L'Arène a changé, n'oublie pas.
Je me contrefiche que l'Arène ait changé ! J'essaie de me remettre sur pieds en poussant des gémissements de douleurs, une main sur les côtes et Shell n'a aucun mal à me refaire basculer en arrière et amortir ma chute. Je suis ridicule. Mais je continue de râler, tant que Vigor se propose d'aller voir. Je refuse, c'est à moi d'y aller.
- Mais tu as vue comment tu es ? Lance Shell. Regarde-toi, tu fais pitié !
Comment je peux me voir ? Énervé, j'arrache une poignée d'herbes, puis je finis par accepter que Vigor y aille à ma place. Je reste donc seule en compagnie de mon ancienne coéquipière. Elle s'applique à nettoyer les plaies qu'apparemment j'ai sur mon visage et tamponne avec une lotion qui pue les contusions sur mon corps. Torse nu, c'est vrai que je fais peur. Un bleu énorme s'étale sur tout le côté droit et de longues blessures presque cicatrisées me barre la moitié du ventre.
- Tu as de la chance d'avoir autant de sponsors, tu sais, remarque-t-elle en me passant une crème sur le buste. Chaque jour tu as reçu un parachute de médicaments et de pommades. Sans ça, tu serais mort quelques heures après l'explosion.
Je ne répond pas et me mords les lèvres. Mes parents n'ont pas compris. Ils s'obstinent à me garder en vie. Enfin, je les comprend. Tellement de parents de tributs aimerais envoyer des choses à leur enfant, mais n'ayant pas d'argent, ça leur est impossible et ils sont obligés de regarder leur enfant mourir, impuissant. J'en veux aux miens, qui n'ont toujours pas saisis le sens de ma participation. Mais intérieurement, je suis heureux d'être en vie. Je culpabilise quand je pense que Speck est mort à ma place et que Shell prend soin de me guérir alors que mon but est tout simplement de ne pas survivre. Je remarque les larmes qui coulent sur les joues de mon amie. Je les essuie d'un doigt en la questionnant du regard.
- Ce n'est rien … Je pense à Albin, mon petit copain. Mais ça va passer, c'est juste un petit coup de mou, c'est normal dans ces conditions.
Elle me fait un piètre sourire. Je m'étire légèrement, content que la douleur se soit déjà un peu estompée. Un coup de canon nous fait sursauter en même temps. Shell bondit sur ses jambes :
- Vigor !
Je saute à mon tour sur mes pieds et nous partons directement à sa recherche.
Un corps gît, couvert de sang, dans une position effrayante. Je m'approche, choqué. Vigor est accroupi près de lui, se tenant la tête entre ses deux mains.
- Je … Je ne voulais pas le tuer. Il est arrivé d'un seul coup, il m'a surpris, je me suis retourné et... Je ne savais pas …
Shell le prend dans ses bras. La personne couchée est le garçon du District Neuf, un gosse de quatorze ans, inoffensif. Son sang tâche l'herbe, mélange de rouge sombre et de vert clair. Nous nous éloignons de lui, Shell soutenant son ami, afin qu'un hovercraft puisse récupérer le corps. Particulièrement choqué, Vigor se laisse tomber une fois que nous ne voyions plus le garçon. Entre deux grosses pierres, il balbutie des excuses incompréhensibles, ses mains crispées sur ses cheveux, le visage pâle. C'est à cause de moi si il est dans cet état. C'est à cause de moi si le gamin du Neuf est mort, tout comme Speck. Tout est toujours de ma faute. Je résiste à l'envie de m'écrouler à mon tour. J'aurai tout le temps de me reposer plus tard. Pour l'instant, je dois rester fort, au moins pour eux. Je murmure, le regard perdu dans le vide :
- Plus que sept.
Mes deux amis me regardent, silencieux. Ils sont épuisés et ne veulent probablement qu'une chose : que tout cela se termine.
- Chapitre 11:
Il n'y eut aucun mort, aujourd'hui. Et je pense que c'est une bonne chose, comme si nous pouvions, histoire de quelques heures, souffler un peu. Et nous en avons grandement besoin. Vigor a réussi à se ressaisir d'avoir tuer ce garçon, mais il reste silencieux, nettoyant encore plus minutieusement nos affaires. Mes blessure sont pratiquement guéries, mais ce n'est rien comparé au choc psychologique. Speck obnubile mes pensées, il apparaît dans mes cauchemars, le visage et le corps ensanglanté à me crier qu'il est mort pour moi et que je m'en moque. Même quand je me réveille, son image reste accroché au loin, parfois, il est nonchalamment appuyé contre un arbre et à d'autre moment il est assit, juste à côté de moi en train de jouer avec son épée et de se vanter de ses compétences physiques. Je n'arrive pas à le faire disparaître.
Comment font les tributs vainqueurs ? À vivre chaque jour avec les fantômes qu'ils ont tué, ou vu mourir ? Est-ce vraiment une victoire de devoir supporter les souvenirs qui nous font souffrir ?
Dans mon ancienne vie, je n'avais jamais été confronté à la mort. Excepté une fois, le chihuahua de ma mère, un sale rat qui jappait sans aucune raison et qui prenait un malin plaisir à se mettre sur mon chemin pour me faire tomber. Quand il est mort de vieillesse, j'avais plutôt ressenti une vive satisfaction.
Alors, devoir affronter ça, moi, pauvre gamin du Capitole qui a toujours eut ce qu'il voulait, c'est impossible. Et c'est maintenant que je me rends compte du courage et du mental que chaque enfant possède lorsqu'il est choisit comme tribut, même les plus faibles.
Songeur, j'émiette le pain envoyé par les sponsors. À chaque fois je partage ce que je reçois étant donné que Vigor et Shell n'ont pas reçu beaucoup de parachutes. De toute manière, la contrariété et la tristesse me coupe tout appétit. Mes espérances de mourir pour faire changer les choses me paraissent bien ambitieuses. Ça me paraissait plausible, mais maintenant, c'est du ridicule. Au mieux, les gens vont se dire que j'ai été courageux, ou stupide selon le point de vu.
Nous sommes donc resté couchés toute la journée, à somnoler à moitié, grignotant par moment ou humant le parfum des fleurs colorées qui nous entourent, sans vraiment parler. Le spectacle ne doit pas être grandiose, et le Capitole doit s'ennuyer. Je vois d'ici mes parents se ronger les ongles et attendre fébrilement le moment où leur fils chéri va se faire massacrer. Ils doivent être dans état de nerfs pire que moi. Et je n'ose même pas imaginer ma sœur. Les pauvres. Mon attitude est tout de même assez égoïste, en y réfléchissant. Même si de cette manière ils vont comprendre ce que ressente les familles des tributs.
- Tu m'écoute ?
Shell me regarde fixement. Je détourne le regard :
- Non.
Elle soupire :
- Il faudrait peut-être que l'on bouge un peu, tu ne crois pas ?
Je hoche la tête, las. De toute manière, si nous restons ainsi, ce sont les Juges qui finiront par nous faire réagir, et pas de la manière douce. La jolie blonde suggère alors de nous rendre à la Corne d'Abondance. Suggestion stupide, étant donné que les Carrières doivent s'y trouver. Je lui fais la remarque, et elle me fait un piètre sourire :
- Sauf que nous sommes trois, et eux plus que deux. - Un seul d'entre eux possède la force de nous trois réunit.
Je pense surtout à Ned, Shine est peut-être puissante et rapide, mais je peux facilement la battre. Je finis par capituler, Vigor ayant ajouté que nous trouverions sûrement des objets qui pourraient nous servir. Par contre, j'accepte d'y aller à condition de passer devant, en éclaireur.
- Pourquoi ? - Pour vous protéger en cas d'attaque. - On peut très bien se défendre !
Je croise les bras :
- Très bien. Alors, allez-y sans moi, je vous attend ici.
Mon caractère d'enfant gâté reprend le dessus. Je n'ai jamais supporté qu'on ne fasse pas ce que je désire. En général, quand je dis ce genre de phrase, la personne finit par capituler. C'est donc tout naturellement que j'attends que Vigor et Shell me rejoignent. Ils me regardent un instant, le visage sans émotion :
- Comme tu veux.
Et ils s'éloignent en me laissant seul.
Et bien, qu'ils partent ! De toute manière je n'ai pas besoin d'eux. Et puis c'est mieux que je sois seule, sans personne pour me protéger et de nouveau risquer de mourir pour moi. Je reste un instant assis en tailleur à les attendre, puis finalement je me dis que je ne suis pas forcé de rester avec eux. Alors je pars dans le sens inverse, en passant par une sorte de champs d'herbes hautes et toutes douces, énervé. Moi qui obtiens toujours raison, mon égo en prend un sacré coup.
J'aimerai vivre un mauvais rêve. Que je vais enfin me réveiller, chez moi, dans un lit qui fait cinq fois ma taille et avec mes cheveux rouges. Que je sois redevenu Daydané, et non Dayd, ce mec blond incapable de se débrouiller dans la nature, qui est incapable de tuer. Je suis stupide. Un bon à rien. Mais je n'ai pas envie de mourir. Et c'est injuste de ma part de penser ça. Je sais qu'il faut que je me fasse tuer, c'est pour cela que je me suis porté volontaire.
Mes yeux me piquent. Je les frotte vigoureusement pour empêcher les larmes de couler. Super. Un garçon musclé qui pleure sans cesse. Mon caractère n'est vraiment pas fidèle à mon physique. Ce que Symon rirait ! Dans un autre contexte, bien sur. Si il me regarde actuellement, il doit être en train de crier à mon intention de ne pas rester dans ce champs où je suis une cible facile. En fait, tous ceux qui me connaissent doivent être dévastés. Par ma faute, une fois encore.
Le soleil tape fort, et la chaleur fait onduler le paysage devant moi. J'y décerne une silhouette. En m'approchant, je le reconnaît. Une masse de muscles saillants et imposants et des yeux clairs qui brillent tout le temps. Speck. Immobile, il pointe du doigt quelque chose derrière moi. Je me retourne aussitôt, la main sur mon poignard. Mais il n'y a rien. Bien sur qu'il n'y a rien, triple idiot, Speck n'est qu'un mirage, un cauchemar qui te hante, il ne va pas te prévenir si il se passe un danger ! Il ne peut plus prévenir, de toute manière, et vu dans l'état que l'explosion a dû le mettre, je doute même fortement que son corps possède encore des membres pour alerter quiconque.
Je frémis. J'ai vraiment des pensées immondes. Je refais demi tour et suis propulsée en arrière par quelque chose qui me déchire de douleur. J'aplatis les hautes herbes en atterrissant et je retire immédiatement le couteau plantée dans ma hanche. Un râle de douleur m'échappe en même temps que le sang qui jaillit de ma blessure. Ça fait mal, merde ! Je garde néanmoins l'arme dans une main, et la mienne dans l'autre.
- C'est toi qui a tué Speck, espèce de salop !
Je tente de me relever mais Shine m'attrape la cheville et me refait tomber. Elle me saute dessus, et je me mords les lèvres pour ne pas hurler lorsque son genoux appuie sur le trou béant de ma hanche. Elle essaie de m'arracher un poignard des mains, mais ne parvint qu'à se les entailler. Je me défends comme un beau diable, ce qui est plutôt étonnant vu la douleur qui m'embrouille les idées. Je vois le visage de Shine. Ses longs cheveux noirs sont maintenant courts, comme si d'un coup d'épée ils avaient été coupés. Une grosse entaille lui barre la face.
- Je savais que j'aurai du te tuer dès le bain de sang !
Sa voix se brise à la fin de sa phrase et je comprends qu'elle aimait vraiment Speck.
- Je ne... l'ai … pas tué ! Articulai-je péniblement.
Mais elle ne m'écoute pas et continue de me secouer comme un chiffon. Rien de mieux pour me donner la tête qui tourne. J'ai l'impression que mon cerveau se tape contre mon crâne. J'arrive, malgré ma confusion à la blesser à l'épaule, mais cela ne fait que redoubler sa colère. Son sang me tombe sur la figure. Un haut le cœur me prend mais je me retiens de justesse de vomir.
Shine se penche sur le côté et attrape quelque chose par terre. Je plisse les yeux et lâche un hoquet de terreur : une pierre grosse comme ma main ! Elle la brandit derrière elle et je discerne un sourire à travers le sang qui l'enlaidit.
- Ça, c'est pour Speck.
Je tente une ultime riposte, mais elle l'a contre. Alors, son visage à quelques centimètres du miens, je fais la seule chose qu'il me reste à faire : je lui crache dessus.
Surprise, elle recule vivement, juste assez pour me laisser la place de me redresser. Elle assise sur moi, on aurait limite pu croire à deux amants en train de chahuter gentiment. De loin. De très loin. Car c'est avec toute la colère du monde que je lui tranche la gorge et la repousse violemment en arrière. Du sang m'éclabousse. Shine s'écroule, le bruit de sa chute amorti par les herbes épaisses.
De ses deux mains elle se tient la gorge, secouée de spasme. Elle me regarde, implorante. Je pourrai la laisser agoniser pour lui faire vraiment comprendre que c'est moi qui ai gagné, mais j'en suis incapable. Alors je l'achève avec son propre poignard. Le coup de canon résonne enfin, et je me laisse tomber à mon tour sur le dos, épuisé, en tentant d'arrêter le sang de ma blessure.
Des cris me parviennentt, au loin. Une quinte de toux m'oblige à basculer sur le côté pour cracher le sang. Je reste sur le ventre, la tête entre mes bras. La douleur est moins intense dans cette position. L'image de Shine agonisante à mes côtés danse devant mes yeux. Je les ferme, mais la scène continue de passer en boucle. Je devrais m'éloigner de son corps, mais je n'en ai pas la force. C'est peut-être le bon moment pour mourir, finalement.
Je roule encore sur moi-même pour me retrouver de nouveau sur le dos, ce qui m'arrache un gémissement de douleur. Je ne veux pas mourir sans une dernière belle image à emporter. Je me heurte au corps de Shine. Mourir à ces côtés, c'est vraiment stupide. Les deux ennemis des Hunger Games. Nos deux corps seront emmenés ensemble. Les caméras doivent toutes être tournées sur moi, attendant patiemment mon dernier souffle à transmettre en directe. Je pose ma main droite sur mon cœur et la lève difficilement au-dessus de moi. Puis, je regarde le ciel artificiel, comme pour avoir une réponse. Il est moche, ce ciel. Moi je veux quelque chose de beau. Je refuse de mourir sans voir une belle chose. Un arc-en-ciel, ou une pluie d'étoiles filantes, ce que je n'ai jamais eu l'occasion de contempler au Capitole. Rien ne se passe. Alors, j'attends.
- Chapitre 12:
ATTENTION: POV de Shell !Je me laisse tomber sur Dayd en criant son prénom. Bon sang, il avait dit qu'il ne bougerait pas ! Nous n'avions même pas eut le temps de trouver quelque chose à la Corne que nous avions entendu hurler, et j'ai tout de suite compris qu'il lui était arrivé un danger. Je regarde furtivement la Carrière à côté. Elle n'est pas belle à voir. Et mon ami non plus. Je ne sais pas si c'est son sang, mais il en est recouvert. Ses cheveux en sont tellement tâchés qu'on pourrait croire qu'il est retourné à son ancienne couleur. Paniquée, je lui essuie le rouge de son visage et lui tapote la joue pour qu'il réagisse. Ses yeux mettent un moment à quitter le point qu'ils fixaient pour se poser sur moi. Il me sourit, assez pour que ses pommettes se creusent sur ses joues. - Enfin quelque chose de beau. Je fronce les sourcils. Il perd les pédales. - Ça va aller, lui dis-je en observant sa blessure pourtant peu rassurante. Tu vas t'en remettre, hein ? Il me regarde sans un mot, avec une telle intensité que je me demande si il ne veut pas me dire quelque chose. Il finit par me tendre quelque chose. Son poignard. Je recule instinctivement. Pas question que je le tue ! D'un air faussement théâtral et incroyablement exagéré, il insiste : - Regarde, je souffre, abrège mes souffrances. Il rit, mais une quinte de toux l'arrête net. Du sang coule de la commissures de ses lèvres. Vigor me prend par les épaules et je réalise que je tremble. - Tu ne vas pas mourir maintenant, hein ? Il y a encore des tributs, attends au moins d'être en demie finale, Dayd … - T'aimerais bien, pas vrai ? Il esquisse un petit sourire de défi. Mais de longues larmes tracent des sillons sur sa peau sale. Pourquoi agit-il ainsi ? Veut-il garder sa dignité jusqu'à la dernière seconde ? Il pose sa main sur ma joue, et pendant un instant, j'oublie tout. Albin, en passant par la Moisson, tous les morts, ma mort qui arrivera très bientôt, et celle de Dayd. Rien que la chaleur de sa main parvient à me faire frémir des pieds à la tête. Je n'ai pas envie qu'il meurt. Comme un écho à mes pensées, un petit objet rond se pose juste à côté de moi. Je n'hésite pas et appuie sur le spray qui s'y trouvait sur la plaie de mon ami. Il se crispe aussitôt, grimaçant. Quelle chance il a d'avoir autant de sponsors. Il doit sûrement connaître du monde au Capitole, c'est impossible d'être apprécié au point d'avoir un médicament qui te guéris alors que tu es à l'article de la mort ! Tout s'assombrit autour de nous. L'overcraft doit s'impatienter de venir récupérer le corps de la Carrière. Dayd baisse les yeux sur moi puis il me sourit de nouveau, une étincelle passant furtivement dans ses yeux : - Ton t-shirt est déchiré. Je suis son regard. En effet, cela me fait un décolleté plongeant, et il doit bien profiter de la vue. Je ferme aussitôt mon blouson, mais je ne peux réprimer un sourire. Même en souffrant, il reste drôle et séducteur. - On peut le transporter, il ne va pas mourir maintenant, je trouve qu'il a encore les idées bien claires, déclare Vigor. Dayd se révolte : - J'ai mal quand même je te signale, regarde ma blessure ! Vigor ne l'écoute pas et l'attrape doucement par dessous les genoux et aux épaules, en prenant bien soin de ne pas toucher le trou béant. Malgré que le spray l'ait soulagé, il reste vraiment faible. Avec Vigor nous restons la nuit entière, chacun notre tour à le surveiller. Nous ne sommes pas vraiment camouflés derrières ces rochers, mais c'est la seule cachette à peu près correcte que nous avions pu trouver dans l'immédiat. Dayd s'est endormi comme une masse, mais la blessure a dû lui causer de la fièvre. Il est brûlant, tremble de tout son corps et une fine couche de sueur lui plaque les cheveux sur le visage. Il balbutie des paroles confuses dans son sommeil, parlant de sa sœur, de ses amis, qu'ils ne comprennent pas, des choses comme ça. J'écoute distraitement en passant un morceau de tissus mouillé sur sa peau pour le soulager. Un coup de canon me tire d'un cauchemar particulièrement violent. Je regarde autour de moi, confuse de m'être endormie pendant mon tour de garde. Vigor se réveille également, paraissant tout étonné d'être ici. Il se pensait sûrement dans son District, chez lui. Ça m'arrive souvent de rêver d'être chez moi, au côté d'Albin. Il est le seul que j'ai. Depuis ma plus tendre enfance, c'est Albin, qui a trois ans de plus que moi, qui m'a recueillit. Sa famille s'est occupée de moi, mais c'est surtout lui qui m'a aidé à m'en sortir. Nous sommes amoureux depuis l'âge de sept ans. Mon attention se porte sur Dayd. Il ne tremble plus. À vrai dire, il a même l'air plutôt serein. Endormi, on dirait qu'il a dix ans, et cela lui donne une beauté enfantine très agréable à regarder. Sa blessure est sanguinolente, son pull s'est imbibé du sang. Le spray n'a pas l'air d'avoir beaucoup fait effet, finalement. Sceptique, je le contemple d'un peu plus près. Sa peau est encore plus pâle que d'habitude, et ses lèvres ont légèrement bleuies. Prise d'une soudaine peur, je le secoue doucement. - Dayd ? Je lui touche le visage : il est glacé. Je continue de le remuer, de plus en plus fort en sentant mon cœur s'emballer : - Dayd ! Allez ! Ouvre les yeux, fais quelque chose, bouge ! Stupidement, je commence un massage cardiaque. - Allez, réveilles-toi ! Tu peux pas mourir comme ça, sans prévenir ! Reviens, j'ai dis, fais un effort, pour moi ! Je lui assène une grande gifle pour le faire réagir, en vain. Vigor m'observe, silencieux. Il a compris ce que je refuse d'admettre. Non, non, non, il ne peut pas être mort ! C'est impossible ! J'aurai réagis, je ne serai pas restée à dormir, je peux le sauver ! Des larmes brouillent ma vue, mais je n'arrête pas mes tentatives pour le réveiller : - Arrête, Dayd, c'est pas drôle, reviens, maintenant ! Ne me laisse pas, il y a encore pleins de choses à faire, ne te laisse pas mourir à cause de cette stupide blessure ! Je le fais se redresser péniblement, surprise de la lourdeur de son corps. Sa tête bascule de gauche à droite. Je lui saisit le visage et l'appel une énième fois. Ça ne sert à rien, et je le sais bien. Je le recouche et passe une main dans ses cheveux. Puis je renifle en essayant de retenir les sanglots qui me secouent. Je pose mon front sur son torse, mes mains agrippant son blouson, partagée entre la tristesse et la colère. Sa poitrine ne se soulève pas au rythme de ses respirations. Aucune chaleur humaine ne me parvient. Aucun battement de cœur ne me rassure. Rien. Il faut que je me rende à l'évidence. Je n'entendrai plus sa voix, je ne subirai plus ses plaisanteries et ses critiques, et ses grands yeux noirs ne s'ouvriront plus jamais. Dayd est mort. - Chapitre 13:
Le jeu s'est accéléré. À partir de l'instant où j'ai réalisé la mort de Dayd, j'ai eu l'impression que tout passait à la vitesse supérieur. Comme si on voulait que ça se termine rapidement. Nous nous préparons à retourner à la Corne d'Abondance, pour le festin annoncé la veille. Vigor ne voulait pas y aller, sachant pertinemment les risques que nous encourrons, mais nous n'avons pas le choix. Il n'y a plus les sponsors de Dayd pour nous nourrir, de plus, je me suis blessée aux côtes en tombant dans un ravin. Ce n'est pas insupportable, mais ça me gêne pour respirer, et je ne peux pas faire certains mouvements. Quand à Vigor, et bien … par moment, il perd un peu la tête et est obligé de faire une pause pour se calmer. Physiquement, il va bien, mais les jeux lui ont fait perdre son calme légendaire. Il accroche à sa ceinture les minis-grenades qu'il a pu créer avant que l'Arène ne change, le visage grave. Mes armes ne sont autres que celles que possédait Dayd. Deux couteaux, que je glisse aussi à ma ceinture. Et nous nous mettons en route, silencieusement. - Je passe devant, déclare Vigor à quelques mètres de la Corne.
Je le laisse prendre de l'avance. Il sait mieux se battre que moi, et si il voit le moindre mouvement suspect il lui suffit d'envoyer une bombe. Je regarde les sacs posés sur la grande table métallique, juste devant le gros tronc d'arbre qui fait office de Corne d'Abondance. District Deux, Quatre, Cinq, Six, Neuf. Vigor me barre le passage avec son bras. - C'est quoi, ce bruit ? Je tends l'oreille, et une sorte de cliquetis étrange me parvient. Comme si des morceaux de métal ou de quelque chose dans ce genre s'entre-choquent doucement. Je regarde autour de nous, mais ne discerne rien d'étrange. - Reste là, m'ordonne Vigor. Je vais juste jeter un coup d'oeil. Il prend une de ces grenades, l'a garde précieusement dans sa main et avance prudemment. Il se prend les pieds dans quelque chose et trébuche en avant. Le bruit métallique s'arrête, comme s'il avait déclenché un piège. - Vigor ! Une flèche évite de justesse sa gorge, mais se plante dans son biceps. Il retient un cri de douleur. D'un coup sec, il retire l'arme de son bras et regarde autour de lui, alerté. Du sang se répand sur ses vêtements, mais il n'y prête pas attention. Je sais que ce piège n'est pas là par hasard, et qu'il n'a pas été créé par le Capitole, mais très probablement par Ramon, le métisse pro des pièges. Sans plus réfléchir, nous nous mettons à courir vers la Corne, Vigor toujours devant moi. Plus vite nous aurons le sac, plus vite nous pourrons nous mettre en sécurité. En théorie, ça aurait pu le faire. Mais avec les autres tributs, ce n'est même pas la peine d'y penser. Quelqu'un se jette sur lui, avec tant de violence qu'ils roulent ensemble sur le sol. Je ne reconnais pas cette personne. À première vu, j'aurai cru un garçon, mais après vérification, c'est bien une fille, une sorte de garçon manqué aux épaules deux fois plus larges que Vigor et aux cheveux courts. Je sers mes deux couteaux dans mes mains. Mais je n'ai pas le temps d'aider mon ami. La fille lui tranche la gorge avec une rare violence, faisant gicler une flopée de sang. Je recule de quelques pas, mais trop tard, elle m'a vu. Pendant que Vigor se débat pour respirer une main plaquée sur sa gorge, il tâte de son autre main le sol, le regard déjà vide. La tribut commence à se redresser, prête à me tuer aussi, mais mon ami arrache avec ses dents la goupille d'une de ces minis-grenades. Je le vois avec horreur la lâcher sur lui et la fille. Je me retrouve deux mètres plus loin, couchée sur le dos, comme clouée au sol. Je me redresse en gémissant sur un coude et ma tête se mit à tourner. Mes côtes sont encore plus douloureuses. Après quelques secondes à essayer de reprendre mes esprits, je baisse les yeux sur mon corps. Des morceaux de chairs humaines salissent ma peau et mes vêtements. Les restes de Vigor. Je sais que je ne devrais pas, mais je me met à hurler. Les yeux fermés le plus fort possible, je tente, par mouvements frénétiques, de me débarrasser de ce cauchemar. Le contact est gluant et l'odeur insupportable. Je ne met pas longtemps à vomir tout ce que je peux. Si je ne m'écarte pas de la Corne, c'est moi qui vais finir en charpie. Surtout que je suis incapable de me défendre, là, avec l'image de Vigor et de cette fille explosant en milliards de morceau. Je rassemble tout le courage et la force qu'il me reste et me dresse sur mes jambes flageolantes. Des grosses larmes me coulent sur le visage. Je fais quelques pas dans le sens inverse de la Corne puis fais demi-tour. Il y a toujours les sacs. Le miens représente mon dernier espoir, même si je ne sais pas ce qu'il enferme. En titubant, je l'attrape lui et celui de Vigor. De toute manière, il n'en a plus besoin. Je plonge dans le lac sans réfléchir. L'eau fraîche me soulage immédiatement, et le sang et la crasse se répand bientôt autour de moi. Je me frotte le visage avec énergie, tente de nettoyer mes cheveux comme je peux et retire la quasi totalité de mes vêtements. De toute manière, ils sont irrécupérable, et je serai bien incapable de remettre ses fringues qui ont accroché la mort. Le soleil, même artificiel, parviens à me réchauffer alors que je suis au bord de l'eau. En t-shirt et long legging, je me sens mieux, apaisée. Je ferme un instant les yeux, mais les rouvre aussitôt pour chasser Vigor de mes pensées. À lui s'ajoute Dayd. Dayd, qui est mort sans personne, seul alors que j'étais là. Dans son sommeil, de la manière la plus traître qui soit. Je n'ai jamais compris les gens pour qui mourir de cette manière est la meilleure façon de quitter le monde. On ne se rend même pas compte de notre décès, on a plus aucun souvenir. On ne peut même pas dire au revoir à nos proches. J'ignorai si Dayd avait des proches. À par une sœur, je ne sais pas. Vigor, quand à lui, m'avait vaguement parlé d'une petite copine. Je n'ose même pas imaginer la réaction de cette pauvre fille au moment de sa mort. Maintenant, je suis vraiment toute seule. Depuis le début des jeux, j'étais accompagnés. Ils sont tous morts comme des mouches : Clari, Matt, Line, Dayd, Vigor. Tombés les uns après les autres. Et à chaque fois, sans que je ne puisse rien faire.
Je déniche dans le sac de mon ami une grosse miche de pain, un long poignard de vingt centimètres et … une photo ? Je fronce les sourcils : une jolie jeune fille aux cheveux bruns coupés aux carrés sourit de toutes ses dents blanches. Sûrement sa petite copine. Des larmes me piquent les yeux. C'est tellement injuste. Chaque année, des familles entières sont brisées à jamais, forcées de regarder en direct la mort d'un enfant, d'un frère ou d'une sœur, d'un ami. Une seule se retrouve comblée de récupérer leur proche, mais à quel prix ? Le tribut gagnant se retrouve métamorphosé, imprégné d'une rage, d'une peur constante que ni l'amour ni l'argent ne parvient à atténuer. Si je gagne, comment deviendrai-je ? Je lâche un petit rire. C'est tellement drôle. Je n'ai aucune chance de remporter ces jeux. Bien que nous ne soyons plus que … trois, je suis, et de loin, la plus faible. Trois ! La confusion m'arrache une quinte de toux. Mes côtes me font mal. Je plonge ma main dans le sac frappé du numéro quatre et en ressort une crème, que j'applique aussitôt. L'effet est immédiat, et je me laisse doucement tomber sur l'herbe hautes, les paupières lourdes. La fin du jeu approche. Et je sens qu'elle sera digne du spectacle que le Capitole attend chaque année. Si je me souviens bien, il reste Ramon, Ned et moi. Les deux garçons, tout les deux dotés d'une force et d'un courage à couper le souffle, promettent aux téléspectateurs un combat de gladiateurs comme ils en auraient rarement vu. Je frémis de dégoût. Personne n'oubliera ces deux garçons, peu importe le vainqueur. Par contre, moi, à partir de l'instant où la vie me quittera, je ferai parti des tombés des Hunger Games. Pas plus.
- Chapitre 14:
Je vois Ramon. Peut-être n'aura-t-il pas l'idée de pénétrer dans la Corne d'Abondance. Sur le coup, ça m'avait paru une bonne idée, de m'y cacher armée du poignard de Vigor. Mais maintenant je me sens coincée, sans échappatoire. De plus, le vent s'infiltre à l'intérieur dans d'affreux courants d'air, me plaquant les cheveux sur le visage et dans ma bouche. Ça fait un bon moment que j'attends ici. Je sais que les tributs restants vont rappliquer, et avec un peu de chance ils vont se tuer entre eux sans chercher à trouver la dernière personne. Le métisse se rapproche dangereusement de ma cachette. Je me plaque contre le mur en bois, tentant de me faire toute petite. La pression commence à grimper, boule dans mon bas ventre qui s'étale de plus en plus. J'essaie de calmer les battements frénétiques de mon cœur. C'est le grand final. Une mèche de cheveux me chatouille le visage. D'un geste rageur, j'empoigne ma longue chevelure à pleine main, et d'un mouvement sec, je la tranche à l'aide du poignard. Ils se déposent en cascade sur le sol, silencieusement, et je reste un instant à les contempler. L'air frais me caresse la nuque. Je passe une main dans ce qu'il me reste de cheveux, impassible. Je tenais énormément à eux, et voilà que ça ne me fait ni chaud ni froid de m'en séparer. J'en ressens même un étrange soulagement. Je n'aurai pas dû me planquer ici. Si on me trouve, je suis morte. Pourtant, j'ai pensé à rester loin, mais les Juges auraient sûrement trouvé un stratagème cruel pour nous regrouper, tuant probablement un des tributs au passage pour garantir une finale du tonnerre. Mais je ne suis pas suicidaire. Ned et Ramon non plus. Ils ont dû aussi bien comprendre que moi qu'il était obligé pour nous de nous rejoindre. Ramon est déjà là. L'autre ne devrait pas tarder. En attendant, le métisse tourne sur lui-même, prêt à bondir sur n'importe quoi. Ce n'est pas très intelligent. Il est une cible facile. Si j'étais un peu plus douée, je n'aurai pas hésité et lui aurait envoyé mon poignard. Puis, j'aurai attendu le Carrière, et j'aurai fait de même. Ça aurait été tellement simple. Je jette un coup d'oeil à l'extérieur. Plus personne. Je me mords les lèvres, pas du tout rassurée et je sers instinctivement le poignard dans ma main. Je m'enfonce un peu plus dans la Corne, les nerfs en pelotent. Je ne donne pas cher de ma peau si on me tombe dessus. Ramon, avec ses bras de déménageur peut me casser en deux. Quand à Ned … Je ne me souviens même plus à quoi il ressemble, mais c'est un Carrière, et si il a réussi à survivre jusqu'à là, c'est qu'il doit vraiment être fort. Sauf si il a eu de la chance d'être épargné à chaque fois, comme moi. Il n'y a toujours aucun bruit. J'aimerai me risquer à sortir, j'aimerai pouvoir me battre, mais je sais bien que j'en suis incapable. Je n'ai jamais eu à me défendre, puisque Albin me protéger toujours. Je lui en voudrais presque. Maintenant, c'est moi qui suis handicapée. Je suis tellement fragile à côtés d'eux ! L'issu paraît si prévisible que j'en viens à me demander si il ne serait pas mieux que je me suicide, là, maintenant, sans attendre que l'un des deux garçons n'ait le plaisir de s'en charger. Mais je suis trop prêt du but pour faire ça. J'ai malgré tout encore une chance, il faut que je la saisisse. Je tourne la tête vers l'entrée de la Corne, et mes yeux se posent sur deux orbes couleurs azurs. Je descends mon regard vers une peau foncée et des muscles épais et sculptés. Je me plaque dans le mur en retenant ma respiration. Il avance d'un pas lourd vers moi. Il ne tient aucune arme, ce qui est étonnant. Peut-être devrais-je m'en réjouir, mais je crois qu'un garçon comme lui n'a pas besoin de ça pour venir à bout d'un adversaire, encore moins lorsqu'il s'agit d'un adversaire comme moi. Si je veux avoir la moindre chance de le vaincre, il faudrait que j'arrive à le surprendre. Ses yeux sont dirigés vers le sol, sûrement à la recherche d'un objet quelconque pour se défendre quand Ned arrivera. Il arrive à ma hauteur, et j'ai peur que mes tremblements ne parviennent jusqu'à lui. Une fine goutte de sueur me glisse le long de la tempe. Ramon sourit, et se penche en avant. C'est maintenant ou jamais, Shell. Je fais un pas derrière lui, mais je vois qu'il remarque quelque chose. Il reste un instant penché, incrédule. Et je vois ce qui le dérange. Mes cheveux. Il se redresse subitement et fais volte-face, se retrouvant nez à nez avec moi. Il est à peine plus grand que moi, mais il en impose. Un petit sourire étire ses lèvres. Ses dents blanches se découvrent aussitôt. Ça ne me dis rien qui vaille. Automatiquement, je recule. Attaquer avant d'être attaqué. Je me secoue mentalement, détache mes yeux des siens et brandit rapidement le poignard. J'effleure son torse, et avant que je n'ai le temps de réaliser, il m'attrape la main, la serrant à un point que je peux entendre mes os se briser les uns après les autres. Je lâche un petit cri, tente de le frapper de mon autre main, qu'il saisit également. De là, il me fait pivoter sur moi-même, me mettant dos à lui, mes bras bloqués sur le devant par les siens, comme Albin me tenait, parfois. Mais cette étreinte-là n'a rien de passionnel, contrairement à ce que l'on pourrait croire. Ramon gonfle ses muscles, et je me sens écrasée contre lui. Je sens son souffle chaud dans mon oreille, et je suis presque sur qu'il sourit toujours. - Tu pense qu'il y a des caméras, ici ? Me susurre-t-il. Il est marrant de me poser des questions, lui, je peux pas répondre tant il me sert ! J'ai le souffle coupé, et j'ai beau me débattre, ce serait comme si une souris essayait de se libérer de l'étreinte d'un chat, alors qu'il le tient déjà entre ses griffes. - Ce serait dommage que tout Panem manque cette mise à mort, tu ne crois pas ? De toute manière, l'Arène est truffée de caméra. Ça m'étonnerait qu'il n'y en ai pas ici. Malgré tout, il me traîne au-dehors, toujours en me maintenant fermement. Tellement fermement que je n'arrive pas à aligner trois pas. Il me maintient maintenant à la gorge d'un bras, l'autre m'enlaçant la taille, me pressant encore plus contre lui. Tout geste est impossible pour moi. Je suis à sa merci. Je hoquette et peine à garder les yeux ouverts. Je dois sûrement pâlir à vu d'oeil. - Tu ne seras pas morte seule, au moins, je t'aurai accompagné jusqu'au dernier souffle, ma belle. Si il savait à quel point je m'en moque ! Mes idées se mélangent, elles deviennent furtives et de moins en moins intenses. Ma gorge me fait souffrir, mes poumons sont en feu, et mes muscles commencent à se relâcher. Je ne sens plus mes jambes, et j'ai l'impression d'être dans du coton. Ramon me repousse, et je m'écroule lourdement dans l'herbe. Et à ce moment, je suis incapable de dire si je suis morte. Je vois deux silhouettes se confronter, se jaugeant, se tournant autour comme deux bêtes assoiffées de sang. Je reconnais Ramon, mais pas le deuxième garçon. Je plisse les yeux. Il a les cheveux courts, et une barbe de quelques jours. Il est vraiment grand, il doit bien faire une tête de plus que Ramon, et est tout élancé. Une allure de boxer, avec des muscles secs. Et ses yeux. Même de là, même dans mon état, j'arrive à distinguer ses yeux gris, froids et perçants encadrés par de longs cils noirs qui intensifie son regard. Une longue cicatrice lui barre le visage, commençant au-dessus de son sourcil droit pour s'arrêter juste avant son oreille gauche. Son œil a été épargné de quelques millimètres. L'un à la peau clair, l'autre foncée. L'un ressemble à un bœuf, puissant et brute et l'autre à un élan, fier et agressif. Le jour et la nuit. Le genre d'ennemis, le genre de combat que le Capitole raffole. Incapable de bouger, j'assiste à cette confrontation, ne sachant pas pour combien de temps j'en ai encore avant de rendre mon dernier soupir.
Dernière édition par -Shell- le Mar 30 Juil - 12:03, édité 6 fois | |
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