Les derniers Hunger Games

- Qui a porté le coup mortel ? demande Tayla à Lucie.
Toutes deux s'étaient installées dans la clairière même où Marc avait trouvé la mort. Elle ne s'étaient pas déplacées, car il faisait nuit, et elles étaient très fatiguées.
- Le porc qui souffre, répondit Lucie en montrant d'un signe de tête Shean.
Tayla l'avait adossé contre un arbre. Il n'était toujours pas mort, mais ne cessait de se convulser. Il aurait hurlé si les filles ne l'avaient pas bâllionné avec un morceau de tissu. Ses pupilles étaient dilatées par la souffrance, et la sueur brillait sur sa peau.
- Profite du spectacle, alors... dit Tayla.
Elle se leva, s'empara de son poignard d'or et s'approcha de Shean. Il essaya de se reculer à la vue du poignard, mais l'arbre l'en empêchait. Tayla attrapa son visage. Elle le lui taillada très doucement. Ce n'était que des égratignures, mais le poison s'y engouffrait, et Shean souffrait, énormément. Quelques minutes plus tard, depuis deux heures qu'il souffrait, il rendit l'âme.
Le canon annonça sa mort.
Alors Lucie se leva, s'empara d'un couteau et commença à transpercer avec le corps de Shean. Mais l'hovercraft apparut dans le ciel, et elle dû arrêter, à son plus grand regret. Elle alla alors se coucher, le poignard toujours dans la main.
Le lendemain matin, après avoir passé une nuit très agitée, Lucie dit :
- On est plus que neuf...
Tayla acquieça. Elle sentait que Lucie avait une idée derrière la tête.
- Octave et Alvina, tu sais, le grand et la petite... On sait quoi sur eux ?
- On sait qu'Octave est fort et qu'il protègera Alvina, qui elle est plutôt faible, répondit Tayla.
- Mais on ne sait pas où ils sont... Athéna et Gaspar sont sans doute encore à la Corne, à moins qu'ils aient bougé. Mais je préfère qu'on s'occupe d'eux en dernier. Il y a Thomas... Si on le croise, tu me le laisses, hein ? Il y a aussi Maria, mais on aura aucun mal à l'achever. Et donc, il nous reste...
- Louise Snow, acheva Tayla.
Lucie acquieça. Ses yeux pétillaient d'une lueur sauvage de vengeance et de désespoir. Tayla comprit que si Louise tombait entre ses mains, elle souffrirait, avant de mourir. Et Tayla décida d'aider Lucie à faire souffrir Louise.
Tayla et Lucie n'avaient pas eu besoin de mots pour comprendre qu'elles étaient désormais des alliées, et elles n'avaient pas besoin de mots pour imaginer le châtiment qu'elles infligeraient à Louise.

Louise Snow n'avait cessé de marcher depuis qu'elle s'était levée. Elle avait entendu un coup de canon vers la fin de la nuit - celui de la mort de Shean -, et n'était pas parvenue à se rendormir. De sombres pensées l'assaillaient et l'en empêchaient. Louise n'arrivait pas à se défaire de l'idée que tout était de sa faute. Si elle n'existait pas, ces Hunger Games n'auraient jamais eu lieu, se disait-elle. Tout ça avait pour but de faire payer son grand-père à travers elle, car, même si on pouvait facilement en douter, son grand-père l'aimait. Il l'aimait beaucoup, d'ailleurs. C'était difficile d'imaginer qu'un monstre sanguinaire comme lui pouvait éprouver quelque chose, mais, oui, il l'aimait. Il avait énormément aimé sa femme et sa fille, et n'avait été consolé de leur décès que par la présence de Louise. En effet, la femme et la fille de Snow étaient décédée dans l'incendie de leur maison de campagne, lors de leurs vacances - oui, Snow avait droit à des vacances -. L'incendie serait criminel, selon les experts. Depuis ce jour, Snow, qui éprouvait un peu de pitié pour ces pauvres tributs, voulaient les faire payer de la mort de sa famille, même s'ils étaient innocents. Il les jalousait d'avoir une famille bien vivante. Il savait que vingt-trois familles seraient déchirées, mais cela ne lui suffisait pas : il avait décidé de sévir dans tout le pays. Les conditions de vie, déjà horribles, devinrent totalement invivables, et la plupart des personnes perdirent un membre de leur famille, ce dont le président Snow se réjouissait. Louise avait été la seule personne, qui, d'une certaine manière, l'avait empêché d'assassiner le monde entier.
Louise s'arrêta de marcher et s'assit contre un arbre, dans une partie de la forêt très sombre et un peu marécageuse. Elle prit sa tête entre ses mains. Elle ne pouvait pas supporter l'idée que ces innocents mouraient à cause d'elle. En plus, elle était toujours vivante. Si elle gagnait, qu'allait-il se passer ? Une autre édition dont elle ferait obligatoirement partie, à cause d'une nouvelle règle inventée pour cela ? Ce qui signifierait d'autres innocents tués... Toujours, encore. Les rebelles n'en avaient-ils pas assez ? Ce qu'ils voulaient, c'était la fin de l'oppression du gouvernement, en partie pour que cesse enfin ces meurtres sans raisons, ainsi que les Hunger Games... Alors pourquoi, maintenant qu'ils avaient gagné, continuaient-ils ces choses qu'ils détestaient ? Louise n'arrivait pas à les comprendre. Ils se disaient humains et doués de sentiments. Ils disaient qu'un être humain ne pouvait accepter ce qui se passait sous le président Snow... Mais se venger en assassinant d'autres innocents, exactement comme Snow, était-ce humain ? Sûrement pas...
Louise crut entendre un buit. Elle se releva le plus silenciusement possible, prit son couteau - un très beau couteau, très tranchant - et se prépara à se défendre. Une petite fille aux allures d'ange apparut. En apercevant Louise, elle recula, et sembla prise de panique. Mais Louise ne pouvait décidément pas tuer un petit ange comme Maria. Alors elle ne fit rien.
Maria remarqua que Louise ne l'attaquait pas. Alors, elle commença à s'approcher doucement de Louise. Elle finit par s'arrêter devant cette dernière, à bonne distance tout de même. Toutes deux se contemplèrent pendant un long moment. Puis, lentement, Maria tendit la main à Louise.
- Alliées ? lui demanda-t-elle d'une voix timide.
Louise acquieça et, lentement, elle serra la main de Maria.