Après tribut, mentor - 54e HG - TERMINEE

C'est la première fois que je vois Snow d'aussi proche. Il en impose par sa présence, d'ailleurs. Mais ce n'est pas de l'admiration que je ressens pour lui, mais de la colère et du dégoût. Son discours s'éternise, relatant une fois de plus l'histoire du Capitole, les méchants Districts, la chance que nous avons d'être parmi eux, et tout un tas d'idées qu'il relate encore et encore, chaque année.
Je jette un regard protecteur à côté du Président. Zack me rend mon coup d'oeil et se redresse un peu dans son fauteuil roulant. Il a perdu l'usage de ses jambes à cause de sa dernière chute, et malgré la médecine avancée, les médecins n'ont pas pu le guérir. Il a fallut deux semaines pour le remettre en état physique.
À peine remis, il remonte sur scène, les épaules droites, sans s’apitoyer sur son sort, bien que lorsqu'il se rendit compte qu'il ne marcherait plus jamais, sa réaction fût déchirante. Ces paroles sont encore claires dans mon esprit. Dans son lit d'hôpital, il est resté assis longtemps, sans bouger, puis avait levé ses yeux verrons sur moi :

- C'est normal que je ne sente plus mes jambes ? Avait-il demandé d'une voix pleine de détresse.

Nous étions trois, dans la pièce : Maliana, Eireen et moi, et avant même que l'un d'entre nous n'ait eu le courage de répondre, il avait compris, et avait fondu en larme. C'était insupportable.
Aujourd'hui, Zack démontre un mental d'acier, Eireen l'a beaucoup aidé à avaler la nouvelle. Même s'il est complètement détruit, il tente de ne plus le montrer.
Snow aborde l'autre sujet sensible :

- Notre vainqueur a, en plus de ses jambes, perdu toute mémoire à partir de l'instant où il entra dans l'Arène. Choc psychologique trop intense, sûrement.

Mon tribut passe distraitement un doigt sur la partie de son visage brûlée. J'étais d'ailleurs prêt de lui, à son réveil. Il m'a reconnu, mais impossible pour lui de se souvenir de l'horreur qu'il a vécu ces dernières semaines. Andy, Rash, tout ça, plus rien. Je l'ai envié secrètement, car pour moi, impossible d'oublier.
Ses cheveux ont, grâce à un traitement, assez repoussés. Il n'a plus sa touffe indomptable qu'il aimait tant, mais cette coupe, courte sur les côtés et plus longue sur le dessus lui va tout de même bien, même si ça le change énormément.
Eireen me sourit discrètement et replace une mèche derrière son oreille. Heureusement qu'elle est là. Jamais je ne me suis sentie aussi proche d'une femme. J'ai besoin d'elle, mais ça, elle ne le sait pas. J'ai bien trop de fierté pour lui avouer. Je crois qu'elle m'aime bien, elle aussi.
Elle me fait signe d'avancer sur la scène. Ah oui, c'est au tour du mentor de dire un mot à propos du parcours de son tribut.


- … Zack a démontré un courage hors du commun, du début à la fin, et je suis très fier de lui. Pour quelqu'un qui se disait faible, je pense qu'il s'en est tout de même bien sorti !

On m'applaudit. Snow me reprend le micro, et annonce de sa voix autoritaire que quelques passages des Jeux vont être repassés dans quelques secondes :

- Ordinairement, ajoute-t-il, ce moment se passe durant l'interview qui aura lieu demain. Mais je pense, qu'il est important de rafraîchir la mémoire de notre jeune vainqueur.

Son regard perçant se plante sur moi. La colère boue à l'intérieur de moi. Ils ne veulent pas laisser Zack tranquille ? Il est vraiment forcé de voir ces images, de voir ces tributs qu'il n'a même pas souvenir d'avoir tué ?
Alors que l'écran géant envoie les premières scènes (du bain sang, tant qu'à faire), je me penche sur le Président :

- Pensez-vous qu'il est vraiment nécessaire de faire ça ? Il est sorti de l'hôpital ce matin-même, il n'a pas eu le temps de digérer son hospitalisation que vous ...
- Votre tribut est un vainqueur. Le Capitole l'admire, et ses réactions en voyant tout ces morts sera diffusées en direct. Tout le monde attend ce moment.
Je sais que je devrais me taire, pourtant, je lâche, dégoutté :

- Vous êtes immonde, Snow.

Il se tourne vers moi, un sourire mauvais posé sur ses lèvres :


- Pensez-vous vraiment que votre avis compte, monsieur Arrich ? Je fais ce que je veux de vous, vous n'êtes qu'un de mes nombreux jouets. Alors cessez de faire le héros.

Je reste un instant muet devant sa réponse glaciale. Je savais qu'il n'aimait pas les vainqueurs, mais de là à le dire ouvertement ...

- Et vous, répliquai-je, savez-vous que si je possédais un quelconque micro-espion, le Capitole entier, tout Panem, serait en mesure d'entendre vos sympathiques paroles ?
- Il est simple de rendre vos propos fort ridicules. Avant même que vous vous en rendiez compte, vous seriez couché, en train de crier et de frapper l'homme, ou la femme invisible, selon mon bon vouloir. Ne jouez pas au plus malin, vous allez perdre.

Comment ça ? Toutes ces visions, ces apparitions cauchemardesques … C'était lui ? C'est à cause de lui que j'ai cru devenir taré, à tel point que je ne songeais plus qu'à en finir ?
Ma colère redouble d'intensité, et avant que personne n'ait le temps de réagir, j'ai le temps de me jeter sur le Président, ce qui nous fait tout les deux tomber, et de lever le bras pour le frapper. Immédiatement, je suis arrêté par trois Pacificateurs, qui m'arrachent de lui avec une rare violence.
Ils me maintiennent chacun par un bras, une main tenant fermement mon poignet et l'autre forçant sur l'épaule. Ça fait plutôt mal, du coup je ne peux plus bouger. Face au public, qui s'est offusqué de mon attaque et pousse maintenant des cris indignés, Snow s'approche de moi, le micro en main.

- Notre ami Ned, commence-t-il, a, depuis, quelques temps, changé de comportement. Je pensais garder cela pour moi, afin de le protéger et de vous, habitants du Capitole, vous protéger également. Mais face à son attaque injustifiée envers moi-même, j'ai compris qu'il était important de vous mettre au courant.

Il fait un petit signe aux caméras, et derrière nous, l'écran géant me montre, à l'hôpital. Des hurlements de rage raisonnent, et me voici en train de frapper les médecins qui tentent de me calmer.
Le public réagit immédiatement. Des sifflements me sont destinés, des cris d'indignations et d'incompréhension s'élèvent. Certaines femmes expriment leur déception, des hommes demandent mon exécution. Au Capitole, la médecine est sacrée, et très respecté. Mon acte est donc un sacrilège pour eux.
Zack a été mis prêt d'Eireen, de Maliana et des autres mentors. De leurs côtés, les réactions sont différentes, leurs cris sont contre Snow plutôt que contre moi. Des Gardes restent prêt d'eux, juste au cas où.
À la fin de la vidéo, le Président déclare, le visage fermé :

- L'heure est donc grave pour notre mentor. Sa folie et son taux d'agressivité a atteint un stade tel qu'il serait ridicule de l'enfermer encore.
- Ne l'écoutez pas ! Criai-je en gesticulant. Je ne suis pas fou, je ...

Les deux Pacificateurs appuient sur mes épaules pour me faire taire. La petite apparition publique est en train de prendre une tournure qui me fait vraiment peur. J'ai l'impression d'être en train de rêver tant la situation est passée de banale à carrément alarmante.
Snow m'ignore, et continue :

- Le choix que je vais prendre n'a pas été prit à la légère. J'ai longtemps réfléchis, demandé conseil à Neyo, mon assistant ici présent. Et la décision a été finalement choisi.

Quelle décision ? Il ordonne aux Gardes de me mettre à genoux. Des hurlements d'horreurs éclatent dans le public, et mon cœur manque un coup lorsque je vois un troisième Pacificateur me rejoindre, une arme à feu en main. Il le plaque contre ma tempe, et là, je crois que je ne me suis jamais, jamais, senti aussi mal. Des sueurs froides me coulent le long de l'échine, et j'ai beau tenté d'avoir l'air impassible, ma peur est visible à trois milles.
Snow fait un pas vers moi, et me met au défi :

- Je vais tout de même être sport : soit tu déclare ton amour et ta dévotion envers le Capitole, soit tu as la chance de tester le tout nouveau jouet des Pacificateurs, imaginé par Beetee ici présent.

Les mentors s'agitent, Maliana se cache les yeux, même Beetee et Mike crient à l'injustice. Certains, comme Jef, se sont levés et restent ainsi, la bouche ouverte, aussi choqué que moi du retournement de situation. Eireen essaie de se libérer du Garde qui la retient, et Zack insulte les Pacificateurs, ou Snow, ou le Capitole entier, impuissant.
J'ai du mal à respirer. Je me sens humilié de mon incapacité à me défendre, au fait que tout le monde me regarde en retenant leur souffle. Alors je réunis tout mon courage, tout mon culot, et j'hurle à pleins poumons :

- J'emmerde le Capitole ! Je t'emmerde, Snow ! Allez tous vous faire enc*uler !

Il me sourit alors, une dernière fois, et quitte le plateau. Mes paroles ne lui font ni chaud ni froid, et ça ne fait que me rendre encore plus ridicule. Un cri de rage déchire la scène, recouvrant
les exclamations des autres personnes :

- Espèce d'enfoiré !

Ce sont mes dernières paroles.


Un bruit de détonation, une douleur fracassante, insupportable, et tout devient flou. Un visage se penche sur moi, paniqué et en larme. Je crois reconnaître Eireen. Mais le flou s'estompe. Et c'est Andy qui se tient au-dessus de moi.
Mais je n'ai pas peur. Ce n'est pas un cauchemar. Les cauchemars sont terminés. La souffrance est enfin terminée. Pour moi, les Jeux sont finis. J'ai perdu, mais je m'en moque.