Fan Fiction Peeta: le tome 1 de son point de vue! 2ème partie disponible!!!

Le pain a encore brulé. Hutch ricane dans mon dos. L’odeur âcre de la fumée va finir par attirer Maman. Papa me fixe d’un regard las. 6 petits pains aux raisins. On n’en fait qu’une seule fournée par semaine, pour les autres commerçants et le maire Undersee, qui en raffole. Je les ai complètement gâchés. Je les récupère et me dirige vers la porte. Mais Maman est là. Elle me met deux claques et me pousse dehors. Il pleut à verse. Je sais ce qu’il me reste à faire. Les cochons, eux, ne feront pas de manières devant la croute brûlée. La pluie fait couler dans le caniveau la suie dont mes doigts sont couverts et soulage mes joues endolories. Je coupe une miche en deux et la jette aux porcs. J’entends Maman crier à l’intérieur. Elle dit qu’elle ne sait pas quoi faire de moi, que je suis une calamité. Quand j’avais 4 ans, ca me rendait affreusement malheureux quand d elle disait des choses comme ca et ensuite je pleurais beaucoup. A présent, ca ne me fait même plus réagir. Mes cheveux se collent en boucles humides sur mon front. Je les ébouriffe avec agacement.
Et c’est à ce moment là que je la voie. Prostrée au bout de la ruelle, trempée jusqu’aux os, les yeux à peine entrouverts sous la violence de l’orage. Je suis son regard. Elle observe mes pains carbonisés avec insistance. Elle vient de la Veine, le quartier pauvre du District 12, ca se voit. Elle doit mourir de faim. Papa nous a souvent racontés ce drame que le District a vécu il y a quelques mois. Une dizaine de mineurs sont morts dans un énorme coup de grisou. Tous de la Veine, pauvres, ils ont laissés leurs familles dans la misère la plus totale. Fait-elle partie de ces orphelins ? C’est plus que probable.
Je regarde le pain devenu gorgé d’eau entre mes mains. Je jette les deux miches restantes dans la ruelle, vers elle, puis je m’engouffre dans la boulangerie sans me retourner.

Le coq a chanté. Il faut que je me lève. Si seulement c’était si simple. Aujourd’hui c’est la Moisson, et 1 fille et 1 garçon du District vont le quitter pour partir combattre dans une arène, sous l’objectif de dizaines de caméras, lors des Hunger Games. Le but de cette compétition sans pitié : être le dernier à survivre et tuer tout ses adversaires. Et ca fait plus de 70 ans que ca dure. Depuis les Jours Obscurs en fait. La rébellion des 13 Districts de Panem contre son épicentre (et dictateur) le Capitole. 12 Districts soumis, 1 rayé de la carte. Et en punition de ce soulèvement, ce jeu barbare entre adolescents de 12 à 18 ans.
70 ans de Jeux de la Faim, plus de 15 ans de défaite pour le District 12.
Je regarde à la fenêtre. La place est déjà débordante d’activité. Les tours d’éclairage, les innombrables cameramen et les bannières marquées du sceau du Capitole, tout y est. Tiens, même les bocaux qui contiennent les petits papiers où sont inscrits nos noms sont là. Un pour les filles et un pour les garçons. Chacun gardés par deux Pacificateurs armés. C’est comme ca depuis que, il y a 4 ans je crois, un gars de 15 ans appelé Niel a essayé de se glisser vers le bocal au petit matin pour retirer les papiers contenant son nom. Deux balles dans le ventre. Il est mort sur le trajet vers la pharmacie. Et Effie Trinket, la responsable des tributs du District 12, a fait un scandale contre le Pacificateur qui avait tiré car ca faisait un tribut potentiel de moins. Preuve vivante que les Capitoliens de possèdent pas une once d’humanité. L’affaire a vite été étouffée, et on en a plus parlé. Mais à 12 ans, année de ma première Moisson, j’avais été choqué.
Je vous parlais des papiers dans les bocaux. Chaque année, on vous rajoute une chance (ou plutôt une malchance) d’aller dans l’arène. Donc moi, à 16 ans, j’ai 5 papiers à mon nom. C’est beaucoup trop à mon gout. Mais je ne suis pas dans le pire des cas. Ceux de la Veine prennent presque tous des tesserae. C'est-à-dire une inscription de plus contre un peu de nourriture bonus. Ce qui fait qu’un garçon de 18 ans avec une famille de 7 personnes peut se retrouver avec plusieurs dizaines d’inscriptions. C’est d’ailleurs souvent ceux la qui sont tirés au sort et, lorsque ils décèdent dans l’arène, ils laissent leur famille dans une misère encore plus grande que quand ils n’avaient pas les tesserae.
Hutch a 19 ans et il n’est donc plus éligible au tirage au sort. Mais Syd, mon frère de 17 ans a 6 papiers. D’ailleurs, je l’entends descendre l’escalier.
« Peeta ! Grouille toi Maman va t’engueuler ! »
Comme si ca lui arrivait de ne pas m’engueuler.
En bas, je constate que tout le monde est à table. 2 fraisiers et un baba au rhum trônent sur la table de la cuisine. Pour ce soir. On les vendra aux familles soulagées de garder leurs enfants une année de plus.
Nous mangeons tout les 5 en silence. D essais de micro se font entendre dans la rue. Hutch frissonne. Je me demande pourquoi, puis je me souviens : son meilleur ami, Isaac, a été tiré du sort quand ils avaient 13 ans. Le pauvre n’a pas survécu au carnage de la Corne d’Abondance. Hutch n’a adressé la parole à personne pendant plusieurs semaines. La douleur s’est atténuée depuis, mais le son crachotant du micro lui rappelle la terreur de son ami quand ils se sont fait leurs adieux. Maman nous brusque et je manque m’étaler par terre quand elle retire la chaise de sous mes fesses. On monte s’habiller en quatrième vitesse, Syd et moi. J’enfile ma chemise blanche, me fais la raie sur le côté et me passe ma main humide d’eau glacée sur le visage, pour me réveiller pour de bon. Je suis prêt. Je retrouve mon frère dans le couloir. Nous sommes en tout point identiques, à part mes muscles plus développés (Syd n’est pas un athlète et il ne passe pas son temps à soulever des sacs de farine, comme moi) et nos cheveux, châtains clairs pour lui et blond comme les blés pour moi.
On s’observe un instant, puis il secoue la tête et redescend en tapant des pieds, me laissant planté là, perplexe.
La place est bondée. Les enfants s’agglutinent dans l’espace correspondant à leur tranche d’âge. Les jeunes de 12 ans se rongent les ongles et trépignent de peur. Ceux de 18 ans, eux, sont plus posés, ce qui ne les empêche pas de se tordre les mains. Dans la queue de l’Identification, je croise plusieurs amis qui me saluent d’une voix larmoyante. Leurs yeux brillent d’appréhension. Ai-je l’air si inquiet ? Je n’en ai pas l’impression, en tout cas. Depuis cet instant silencieux avec Syd, je suis bercé d’une étrange torpeur. Je ne réagis pas quand la Pacificatrice m’enfonce son stylet dans le doigt pour y prélever une goutte de sang. Le regard perdu dans le vague, je rejoins mon rang. Je crois que je cherche quelque chose. Ou quelqu’un. J’ignore totalement qui. Je regarde autour de moi. J’aperçois Syd dans la cohue de la rangée des 17 et Papa et Hutch derrière les cordes réservées aux familles. Avec un pincement au cœur, je constate l’absence de Maman. Je devrais avoir l’habitude pourtant. Elle n’est jamais venue nous rassurer, chasser nos idées noires la veille de ce jour fatidique, aucune année. L’année de ma première Moisson a été la pire. Non seulement il y a eu cette horrible histoire avec Niel, mais en plus, j’étais si inquiet que j’ai fait des cauchemars qui m’ont fait crier dans mon sommeil. Et le matin, alors que j’arrivais dans la cuisine les yeux rouges d’avoir sangloté toute la nuit, Maman m’a grondé car ce n’était pas possible de crier comme ca en pleine nuit, que les voisins allaient se plaindre. J’avais bien envie de lui dire de se les mettre où-je-pense ses abrutis de voisins, mais je n’ai rien dit. Mais j’étais tellement en colère, que j’ai oublié que j’avais peur, au moins jusqu’à la cérémonie.
Un raclement de gorge m’arrache à mes souvenirs. Une silhouette rose s’avance sur l’estrade de l’Hôtel de Justice. Effie Trinket. Elle prend le micro et lance de sa voix haute perchée :
« Bienvenue à la Moisson de ces 74ème Hunger Games ! Et puisse le sort vous être favorable ! »
Cette femme respire le Capitole. Cette voix, avec cet accent si caractéristique, ses tenues, et ses perruques assorties. Même sa démarche, gênée par une paire de talons gigantesques (roses, bien entendu).
On nous passe un film. Comme tous les ans, il parle de la rébellion des Jours Obscurs, et de la punition « bien méritée » des Districts, les Hunger Games.
Mes yeux se remettent à scruter les rangs alentour :mais qu’est ce que je cherche, à la fin ? L’écran s’éteint et la « grosse cerise » comme je l’ai baptisée, s’exclame :
« Oh ! Ce film est toujours aussi fantastique ! »
Une guerre nationale ? Des enfants qui s’entretuent ? Nous n’avons pas exactement la même définition du mot « fantastique », elle et moi. Je ne dois pas être le seule à trouver cet adjectif légèrement exagéré, car un silence de mort règne sur l’assemblée. Mais la grosse cerise, dans son éternel enthousiasme d’habitante du Capitole ne vivant pas sous la crainte de voir ses enfants partir au combat, ajoute d’un ton digne d’un jeu télévisé:
« Et maintenant, le tirage au sort ! Les dames d’abord ! »
Ce n’est plus seulement le silence, mais aussi une chape de la terreur la plus pure qui plane sur nous.
Effie plonge sa petite main gantée dans le bocal, fait mine de chercher, puis attrape un papier. Elle retourne auprès du micro et lève le rectangle blanc d’un geste théâtral : les respirations s’accélèrent autour de moi. Mes yeux s’égarent à nouveau.
« Primrose Everdeen ! »
Des soupirs de soulagement. Des hoquets de stupeur. Le rang des 12 s’ébranle pour laisser le passage à une petite fille, blonde, pâle comme un linge. Ses grands yeux bleus sont écarquillés par la peur. Elle gagne l’allée centrale et s’avance vers l’estrade d’un pas lent. J’ai déjà vu cette enfant. Quand Papa s’est brûlé au four, c’est sa mère qui l’a soigné. Elle préparait les cataplasmes. Et avec elle il y avait… Un hurlement déchire le silence. Une jeune fille brune court vers la petite blonde et la serre dans ses bras.
Mes yeux ont trouvés ce qu’il cherchait.
Mon cœur s’arrête.
C’est elle. Elle qui hante mes rêves et mes pensés depuis 10 ans.
Elle se tourne vers l’estrade et s’écrie :
« Volontaire ! Je suis volontaire ! »
Mon sang se glace. Elle va prendre la place de cette enfant. Pour la sauver. C’est sa sœur. Maintenant j’en suis sur. La grosse cerise les observe et déclare de son ton affreusement enthousiaste :
« Une volontaire ! Incroyable ! Montez donc me rejoindre jeune fille ! »
La petite fille crie et éclate en sanglots. Elle s’agrippe à sa sœur.
« Katniss ! Ne fais pas ca ! Katniss ! »
Katniss. Voilà comment elle s’appelle.
Elle monte sur l’estrade, raide et déterminée. Effie Trinket piétine d’excitation. La petite fille pleure de plus belle. Soudain, les rangs derrière moi s’écartent et un grand jeune homme brun accourt et prend Primrose dans ses bras. Elle se débat de toutes ses forces ;
« Lâche-moi Gale ! Katniss ! Elle va… »
Mais il ne cède pas et la ramène à sa mère derrière les cordes. Puis il regagne sa place.
La grosse cerise jubile. Katniss reste plantée sur l’estrade, les bras ballants, silencieuse et l’air hagarde, comme si elle se rendait tout juste compte de ce qu’elle avait fait. A-t- elle réagi instinctivement, sans bien réfléchir ? Oui, je crois. J’en suis même persuadé. Je me sens très mal.
Après quelques petits cris d’excitation hystériques face à ce retournement de situation, Effie continue la cérémonie.
C’est au tour des garçons. Je suis un garçon. Je me sens vraiment très mal.
Le papier est tiré, déplié, et la cerise clame haut et fort :
« Peeta Mellark ! »
Décidément, mon cœur a des ratés. La foule se tourne vers moi dans un ensemble digne d’une chorégraphie. Je crois que je vais vomir. Sans attendre d’ordre de mon cerveau, mes pieds se dirigent vers l’Hôtel de Justice. J’ai la tête qui tourne. Le silence est si pesant que je croirais entendre mon cœur tambouriner dans ma poitrine, maintenant qu’il a retrouvé un fonctionnement relativement normal, comme si il voulait s’échapper. S’il le faisait, je lui pardonnerais. De toute façon, ma vie est fichue. Autant qu’il sorte tout de suite car après au Capitole, nous serons tellement surveillés que ca m’étonnerait qu’il en ait l’occasion.
Mais qu’est ce que je raconte ?
Je n’ai jamais eu autant chaud de ma vie. Et cette vie, je la passe a coté d’un four à pain, c’est vous dire. Ca veut dire que j’ai de la fièvre ? J’aimerais tellement ! Oui, et m’évanouir. Maintenant. Pour ne plus sentir les regards de tout le District sur moi. Pour pouvoir me dire : « ca va, Peeta. C’est un cauchemar. Tu vas te réveiller, Maman va te foutre une raclée parce que tu as dormi jusqu’à midi, et tout redeviendra comme avant. »
Mais je ne m’évanouis pas. Parce que je suis arrivé au bas de ‘estrade, que le Pacificateur me fait monter l’escalier, que je me trouve face à Katniss, et que je croise son regard. Pour la première fois depuis nos 6 ans. Depuis les pains brulés.
Je vais peut être mourir.
Surement même.
Mais la, je suis tellement content que je pourrais hurler ma joie et danser devant tout le monde.
Ah ouais, j’ai vachement de fièvre quand même.
J’ai toujours horriblement chaud. Et lorsque Effie nous intime de nous serrer la main, la mienne est si moite que j’ai peur de la réaction de Katniss. Elle me transperce d’un regard di froid, si éteint et empreint de tristesse que je vois bien que moi et ma main dégoulinante de sueur, nous somme le dernier de ses problèmes.
Je ne pouvais rêver meilleure journée.

Je reprends au moment où nos deux héros entrent dans l'hotel de justice après la Moisson
Nous somme menés dans un long corridor poussiéreux dont le parquet ancien craque sous nos pas. Les murs, d’une couleur jaunâtre plus ou moins identifiable, sont percés de nombreuses portes en bois massif. Les Pacificateurs stoppent enfin devant deux portes face à face. On m’engouffre dans la pièce de droite, et Katniss dans celle de gauche. Puis on claque la porte. Je me trouve dans une petite pièce dépourvue de meubles. L’air est glacial et ma fièvre retombe subitement. Je m’adosse au chambranle de la fenêtre, unique source de lumière de l’endroit, et me prend la tête entre les mains.
Tout cela est impossible. Je ne peux pas y aller. Pas avec Elle.
L’idée d’assister à sa mort ou pire, de la tuer de mes propres mains, me fait frissonner de la tête aux pieds et me fait trembler d’horreur. Elle ne peut pas mourir. C’est au dessus de mes forces.
Et cet homme, Haymitch Abernathy, qui doit nous servir de mentor, est soûl à longueur de journée. Nous sera-t-il utile ? J’en doute fortement. Il y a à peine dix minutes, il a débarqué à l’improviste sur l’estrade et s’est mis à hurler en injuriant le Capitole. Il était sérieusement imbibé. Puis il a fini par s’écrouler dans les escaliers, ivre mort. Et tout les habitants de Panem ont assisté à ce désastre en direct.
Malheureusement, autant pour lui que pour nous, il est le seul vainqueur des Hunger Games encore vivant dans le 12. Il est donc tenu de nous servir de mentor.
Comment espérer remporter les Jeux ?
Et je repense à Elle. Elle sans qui il m’est impossible de vivre. Elle dont la seule pensée illumine mes journées et hante mes nuits. Elle. Plutôt mourir que de la perdre.
Oui, plutôt mourir.

Le son du loquet de la porte tiré me fait ouvrir les yeux. Mes mains sont crispées sur mon front et mes sourcils sont froncés. J’ai serré les dents si fort que j’ai une crampe à la mâchoire.
Mes deux frères et mon père pénètrent dans la pièce. Syd s’avance vers moi et se fige. Vu leurs airs affolés (sauf Hutch mais lui ne fait jamais démonstration de ses émotions surtout de puis l’épisode Isaac*) je dois faire une grimace vraiment abominable. Puis je me rappelle pourquoi je suis ici. Non. Mon rictus crispé n’est pas la raison de leur peur. Le regard que me jette mon père me tord l’estomac. Il n’a pas le droit de s’apitoyer sur mon sort. Pas après avoir laissé ma mère me battre depuis mes 6 ans. Il est trop tard. Je détourne le regard.
Hutch me serre la main très conventionnellement, m’observe comme on jette un dernier regard à une lettre que l’on poste, et s’en va. Voilà ce que je représente pour lui. Un vulgaire bout de papier dont on se débarrasse sans regret. Ca fait mal. Très mal. Voilà donc la seule façon que j’avais de savoir ce que je représentais pour ma famille.
Mon père voit bien que je refuse de lui parler, mais il me prend dans ses bras. Je ne lui rends pas son étreinte. Ca me coute, mais je reste raide. Visiblement blessé, il recule, me regarde, et secoue la tête. Il vient de comprendre pourquoi je le méprise. Alors il part, sans dire un mot. Il ne reste que Syd. Il jette un coup d’œil à la porte, puis, comme une évidence, me prend dans ses bras. On reste là. Il ne parle pas, n’essaye pas de me réconforter comme mon père, lui au moins sait que je n’en réchapperais pas. Ce silence vaut tout les mots du monde. Il me lâche et me regarde dans les yeux. Nous ne pleurerons pas. Ce n’est vraiment pas notre genre. Ni à l’un ni à l’autre. Et puis ce serait donner l’avantage au Capitole, à mes bourreaux. Il me presse la main comme si sa vie en dépendait, puis part sans se retourner.
Je reste là, les bras ballants. Syd. Mon frère qui ne m’avait jamais démontré une once d’affection jusqu’ici. Ce qu’il vient de faire me touche au plus profond de mon âme. Mais je ne me l’explique pas. Pourquoi ? Pourquoi me témoigner de l’attachement maintenant alors que je cours vers la mort ? Ce n’est pas de la pitié. C’est bien plus complexe. Syd est un être complexe.
La porte s’ouvre de nouveau et soudain c’est l’effervescence autour de moi. Mes amis d’école. Ils m’entourent tous. Les filles pleurent, les garçons me donne des tapes dans le dos et me fixent gravement. Je n’ai pas envie de les voir. Non que leur faire mes adieux me coutent, mais j’ai un besoin de solitude plus qu’urgent. Alors je leur parle un peu, j’assure que tout ira bien, que je gagnerais, ca ne fait pas un pli. J’ai toujours su persuader les gens. Même des choses les plus absurdes. Parmi ces silhouettes abattues, je distingue enfin ma seule vraie amie. Delly Cartwright. Une fille gentille comme tout, que je connais depuis l’enfance. Avec ses cheveux bonds et son air poupin dû à quelques kilos en trop, chose rare dans le 12, elle ressemble à une petite fille. Elle pleure à chaudes larmes. Je la console, elle me répond par mono syllabes qu’elle hoquette avec difficulté. Situation plus qu’étrange. Il ne me reste pas plus d’une semaine à vivre selon moi, et je me retrouve à tapoter le dos d’une fille qui sanglote comme une fontaine alors qu’elle vient d’échapper au tirage au sort. Mais il est trop difficile de se fâcher contre Delly.


Je bénis le Pacificateur qui les met tous dehors. Enfin seul ! Que je crois. Il m’entraine dans le couloir où je retrouve Katniss. Elle a le regard perdu, mais ne pleure pas. Je sais qui a du venir la voir. Sa mère. La petite Primrose. Et peut être son ami chasseur, Gale Hawthorne. Rien qu’en pensant à lui, la jalousie me vrille l’estomac. Il connaît Katniss mieux que personne. Peut être même sont-ils… Non. Pas de pensées déprimantes. J’ai eu mon compte aujourd’hui. Quelle ironie ! Ma situation actuelle toute entière est déprimante.
Effie Trinket nous mène au train en voiture,…
Attendez. J’ai mal tourné ma phrase. Non elle ne conduit pas évidemment. Elle a bien trop peur de salir ses ongles manucurés et vernis (de rose toujours). Donc je reprends. Une voiture avec chauffeur nous mène à la gare en compagnie d’Effie et Haymitch (chouette alors), où nous sommes assaillis par les journalistes. On monte dans le train tant bien que mal. Il est ultramoderne, avec tout le confort possible. Katniss écarquille les yeux devant tant de splendeur, et d’excès aussi.
« La voilà notre prison Katniss, pense-je, notre prison dorée. »
Nous entrons dans un compartiment tapissé de velours bleu, souligné de plinthes en bois sculpté. C’est vraisemblablement un salon, car plusieurs tables en verre sont disposées, chacune entourée de quelques fauteuils. Au fond, un buffet propose un assortiment de feuilletés et de pâtisseries minuscules et colorées. Une étagère chargée de bouteilles contenant un liquide doré me fait face. Haymitch me devance et s’empare d’un flacon. De l’alcool. J’aurais du m’en douter. Il la débouche et se met à boire à même le goulot. Effie pousse un petit soupir offusqué. Moi aussi je suis tenté de souffler mais, vu ma situation générale, je devrais utiliser mon souffle à bon escient. L’économiser.
Je prends place en face d’Effie, dans un grand fauteuil dans lequel je m’enfonce de plusieurs centimètres. Ce wagon me fait vraiment peur. Même ce siège à l’apparence accueillante me donne l’impression d’être pris au piège. Je me redresse pour garder une contenance dans ce sofa bien trop moelleux à mon gout. J’ai vraiment l’impression qu’il va m’aspirer, m’avaler ou un truc dans le genre. Hum. Je deviens paranoïaque.
Katniss est assise à ma droite, les mains posées sur sa jolie robe bleue, le regard encore un peu écarquillé mais bien plus résolu (à quoi, je ne saurais dire) qu’il y a à peine une demi-heure. Effie jacasse à propos de je ne sais quel emploi du temps mais nous ne l’écoutons que d’une oreille. L’autre est restée dans le District 12, chez nous, dont ce train nous éloigna à une vitesse vertigineuse. Pour toujours ?

Haymitch boit comme un trou. C’est insupportable. Effie est partie. Je crois qu’elle s’est éclipsée pour éviter d’étrangler notre mentor avant même notre arrivée au Capitole. L’hypothèse selon laquelle il ne nous servira strictement à RIEN dans ces Jeux se renforce dans mon esprit. Katniss semble indifférente à mon exaspération. Indifférente au monde qui l’entoure. Pourtant nous formons une équipe à présent tous les trois, bien obligés. Il est nécessaire que nous coopérions. Une stratégie de survie pour l’arène ne nous ferait pas de mal. Et si cette stratégie pouvait me permettre de me rapprocher de Katniss, ca serait vraiment génial. Car pour l’instant, j’ai l’impression de ne faire l’objet que d’un intérêt vague, voire très vague, pour elle. J’aimerais tellement me tromper. Mais mon étincelle d’espoir s’est éteinte lorsque je l’ai vu sortir de cette pièce. Après Hawthorne.
Pourtant je l’aime. Je l’aime comme je n’ai jamais aimé personne. D’ailleurs je n’ai jamais aimé une autre fille avant elle. Et je n’aimerais jamais personne d’autre. Je ne vivrais pas assez longtemps pour ca.

* : voir ma première fan-fic : la scène des pains et la Moisson.