Tuer pour ne pas mourir.

La Moisson commence. Comme les six dernières années auxquelles j’ai gentiment été convié, elle est incroyablement pesante. La peur se lit sur tous les visages, l’air sent cette angoisse nauséeuse qui vous tord l’estomac et chaque personne respire la tristesse amère, goût de parfum si délicieux aux yeux du monde éloigné des malheurs. Les dames d’abord, comme toujours. Le papier est sorti de la coupe, l’attache est arrachée et la tension est à son comble. Clara Foster. Elle est dans la même classe que mon petit frère. C’est injuste. D’autant plus injuste parce qu’elle n’a que douze ans. C’est trop jeune. Une petite tête blonde s’avance timidement dans l’allée centrale. Je vois sa mère tomber en sanglots, retenue de peu par son mari, à qui il reste un semblant de fierté dont il se sert pour masquer son visage ravagé par la peur et la tristesse. Clara se tord les mains et une larme qu’elle s’empresse d’essuyer vient s’écraser au sol. Le silence règne en maître dans le district Sept. Elle est escortée par les Pacificateurs jusqu’à l’estrade qu’elle gravit la tête basse. Vient alors le tour des garçons. Léanor Arday, l’hôtesse à la longue chevelure bouclée bleue, plonge sa main vêtue d’un gant tout aussi bleu dans la coupe en verre, et le papier capable d’offrir une mort certaine est lentement déplié, comme si cette femme approuvait de nous faire attendre dans l’angoisse la plus total. William Artly. C’est moi.